Depuis plusieurs semaines, le virus H5N1 se répand comme une traînée de poudre dans les élevages d’oiseaux du Sud-Ouest. Pour Fabien Filaire, chercheur en virologie à l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), il est nécessaire de réfléchir à la densité des élevages sur le territoire. 

On dénombre 308 foyers infectieux du virus H5N1 en France, dont 297 dans le Sud-Ouest. En quoi cette situation est-elle préoccupante ?

Fabien Filaire : Le virus se propage d’élevage en élevage de manière assez incontrôlée. On comprend comment il est arrivé sur le territoire, mais on ne sait pas vraiment comment il rentre dans les bâtiments, ni comment il passe d’un élevage à un autre. On a des hypothèses, mais il est difficile de dire clairement laquelle il faut retenir. Le second problème dans les virus HN comme H5N1 ou H3N2 est qu’on retrouve des sous-types hautement pathogènes pour les oiseaux. Les canards, les poulets, mais aussi énormément de dindes cette année (particulièrement en Italie) sont touchés. On remarque aussi des signes cliniques associés à une forte mortalité. Cela nuit gravement à la filière, car l’abattage est obligatoire dès que le virus est confirmé dans une exploitation.

L’élevage intensif est-il un facteur aggravant ?

F : Ce n’est pas l’élevage intensif qui fabrique le virus, mais il est certain que plus, il y a d’animaux proches, plus celui-ci se propage vite, tout comme les problèmes bactériens. Faut-il privilégier les grosses exploitations éloignées les unes des autres comme en Bretagne ? Ou faut-il au contraire aller vers des plus petites, moins éloignées ? Nous savons que la contamination est plus rapide lorsque les bâtiments agricoles sont proches les uns des autres. Il faut donc travailler sur leur densité dans un territoire donné. Si on met un élevage tous les dix kilomètres, ce n’est pas pareil qu’un tous les 500 mètres. Aujourd’hui, on en compte 297 de touchés dans la région… Il y a peut-être trop d’élevages dans le Sud-Ouest.

Certains chercheurs pensent que d’ici quelques années, il ne serait pas étonnant de ne plus voir un seul oiseau respirer dans un élevage du Sud-Ouest. Qu’en pensez-vous ?

F : Tout d’abord, l’abattage est un moment déchirant pour l’éleveur, ils ne font pas ce métier pour séquestrer leurs animaux. Hier encore, l’un d’entre eux me disait qu’il ne voulait pas assister à une telle perte. Il existe une vraie peur de voir leurs animaux malades et de devoir s’en séparer. Les oiseaux aussi souffrent de la maladie, elle ne tue pas en douceur. Alors qu’est-il préférable ? Voir l’animal mourir d’une infection extrêmement douloureuse et propager la maladie ? Ou tous les abattre avant qu’ils n’en souffrent ? C’est une question presque philosophique. Mais aujourd’hui, même avec un potentiel vaccin, on n’a pas de solution miracle. Malheureusement, en arriver à des abattages massifs reste encore la seule solution viable pour avoir un impact significatif sur l’épidémie.

À l’avenir, y a-t-il des changements à prévoir face à la multiplication des risques viraux ?

F : La déforestation a rapproché géographiquement l’Homme des animaux et donc de sources virales que l’on ne connaissait pas. Changer leurs habitats, nos modes de vie, la consommation d’animaux sauvages… Tout cela a une influence sur la multiplication des risques d’épidémie. Par le passé, on assistait à des contaminations plus isolées et cantonnées à un individu, maintenant, nous sommes dans des configurations qui privilégient la propagation des virus dans nos sociétés.

On ne connaît que 200 virus environ, mais il en existe plusieurs milliers. Il va falloir s’adapter en lien avec la science et trouver des solutions à des problèmes qui deviennent récurrents. La vaccination est peut-être la meilleure piste sur laquelle l’Etat planche.

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