La précarité étudiante explose aux yeux de tous. Loin d’être un phénomène nouveau, il est exacerbé par la crise actuelle. A Toulouse comme partout en France, les étudiants sont de plus en plus nombreux chaque jour à avoir recours à l’aide alimentaire. 

Déjà en 2019, après l’immolation par le feu d’un étudiant lyonnais qui avait suscité de vives émotions, Le Monde estimait à 20% le taux d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté. Dans cette même étude, il était démontré que 46% des étudiants travaillent en parallèle de leurs études. Un revenu essentiel pour vivre dans l’écrasante majorité des cas (88%). C’est le propre d’une situation précaire, elle ne tient qu’à un fil.

Ce fil s’est rompu en mars dernier quand a commencé la crise. Depuis, les organismes de distribution alimentaire ont connu des chiffres records notamment en direction des étudiants. La Banque Alimentaire de Toulouse estime que la moitié des bénéficiaires a moins de 25 ans. Les restos du cœur ont même ouvert deux créneaux spécialement réservés aux étudiants : le mardi de 18h à 20h aux Arènes et le samedi de 9h à 11h à Malepère. 

Les initiatives se multiplient

De nombreuses actions ont vu le jour depuis la rentrée, comme les distributions d’ampleur en fin d’année 2020 par la protection civile, le CROUS et la Banque alimentaire ou encore des restaurateurs qui se mobilisent pour fournir des repas chauds cuisinés. L’association Espoir 31, en partenariat avec le Rotary Club Lauragais, a aussi sauté le pas. « On sent des jeunes en grande nécessité. Ils nous remercient énormément. » raconte Marie-Noëlle, présidente du Rotary. Avec des distributions les mardi, mercredi et jeudi après-midi (15h-17h30), c’est plus de 300 colis alimentaires distribués par semaines. « On en a distribué 2500 entre le 13 octobre et le 28 janvier » compte Monique Vidal, présidente d’Espoir 31. Ici, pas de longues files d’attente comme on peut en voir à Paris mais une liste d’attente virtuelle qui comptent plus de 2000 demandes.

« Il ne me reste plus que 50€ pour mes courses et les transports »

Pour les bénéficiaires de l’association Espoir 31, c’est un soulagement, une bouffée d’oxygène. Kintana, en deuxième année d’info-com raconte « C’est super sympa, chaleureux, ça fait du bien dans cette période ». En effet, les bénévoles récupèrent des denrées alimentaires auprès de la banque alimentaire ou grâce à des dons de magasins. Certaines bénévoles mettent même la main à la pâte « Martine, une membre du club a fédéré tout le quartier et même encore plus loin, du coup on a des petites mamies qui cuisinent des plats maisons pour les étudiants » sourit Marie-Noëlle. Pintade au riz, petit salé, gratin de pâtes, soupes; « C’est cool de pouvoir manger de la viande, j’avais fais une croix dessus depuis un moment » explique Ludivine, 22 ans. En intérim, son agence ne la rappelle plus depuis des mois, « Je ne vis qu’avec mes bourses, après avoir payé mon loyer et les charges, il ne me reste que 50€ pour les courses et les transports. » 

Affiche de la distribution et local de l’association Espoir 31. Crédit photo : D.R

Le retour du soleil en ce début de mois de février et l’ambiance chaleureuse de ces distributions ne font pas oublier que la situation de nombreux étudiantes continue de se détériorer. On croise, sur ces points de collecte, beaucoup d’étudiants étrangers, qui ne bénéficient d’aucune aide en France. On ressent sur ces lieux une forte solidarité. Intergénérationnelle d’abord, avec une majorité de bénévoles à la retraite, mais aussi entre les étudiants. Beaucoup sont bénévoles ou tentent d’informer sur les réseaux sociaux des différentes distributions qui ne sont pas toujours bien communiquées, « Je trouve qu’on est plutôt mal informés » confie Ludivine.

Des solutions innovantes 

Associer l’écologie par la philosophie anti-gaspi et la lutte contre la précarité étudiante, c’est le pari d’Aurélien et Kenza. Cette dernière a perdu son emploi qui lui servait d’aide financière importante du fait de la crise. Quant à Aurélien, un contrat lui était promis avant mars 2020 mais il ne l’a jamais vu. Depuis la fin de l’année 2020, ce couple s’est donc lancé dans le glanage. « On a décidé de fouiller les poubelles des enseignes, surtout des chaines, des boulangeries et des primeurs. On récupère, on trie ce qu’on a chez nous et on met un message sur notre page Facebook pour que les gens puissent venir récupérer ce qui les intéresse. » détaille Kenza. C’est elle, par sa curiosité, qui a entraîné Aurélien : « On entendait que les enseignes jetaient beaucoup. On a été voir dans une poubelle. Quand on a vu une centaine de baguettes, de croissants, de galettes, qui étaient encore en rayon deux heures avant qu’on passe, on s’est dit qu’on pouvait pas laisser ça là. » ajoute-t-il. Des denrées alimentaires bien conservées dans des sacs de farine fermés, donc sans aucun contact avec la poubelle.

Exemple de denrées récupérées lors d’un glanage. Crédit photo : Camille Bouko-Levy

Après des récoltes fructueuses, ils ont décidé d’en faire profiter les autres, « On a fait des maraudes puis j’ai commencé à redistribuer dans ma promo. Après on a créé une page Facebook pour pouvoir aider plus de monde. » Le rituel est désormais bien rodé : le dimanche, ils s’en vont pour leurs glanages; le lundi Kenza distribue une partie des denrées récupérées dans sa promo. Une photo est ensuite postée sur leur page Facebook –Les 2 mousquetaires– pour que la nourriture puisse être redistribuée notamment à des étudiants. « C’est horrible que ce soit jeté alors que des gens n’ont pas les moyens de se faire à manger et se restreignent. » s’exaspèrent-ils.