Le monde du travail est bouleversé par l’épidémie du coronavirus, poussant chaque profession à s’adapter. Pour les journalistes, la situation est délicate : arrêter de travailler est impossible, il faut continuer d’informer la population. Comme partout en France, les journalistes toulousains ont dû s’organiser.

« Désolée de ne pas avoir pu vous répondre par mail, mais avec le télétravail c’est la course tous les jours ». Voilà qui illustre bien le rythme de travail que suivent les journalistes depuis le début du confinement. Rédacteur en chef de France 3 Occitanie, Léo Lemberton a dû réorganiser toute sa méthode de travail ainsi que celle de la rédaction qu’il a en charge. Un schéma similaire à différents médias toulousains, de la correspondance de France 2 à l’agence de presse radio A2PRL. Leurs postes et attitudes de travail ont dû évoluer pour coller aux gestes barrières et aux différentes mesures de sécurité. Tandis que d’autres ont fait le choix de mettre l’ensemble de leur rédaction en chômage technique durant le confinement, comme nous le confie une journaliste de Via Occitanie.

Précaution et anticipation pour les rédactions TV

Diminution des effectifs, réunion en audioconférence, distribution de masques … Les précautions prises au sein de la rédaction de France 3 Occitanie sont nombreuses. Tout d’abord, l’accès à la station de la chaîne a été fermé à toute personne présentant une température supérieure à 38°c. Une fois dans la station, on observe des espaces vides et des effectifs réduits. Au journal télévisé, France 3 ne reçoit plus d’invités ni de journalistes sur plateau. « Seul le présentateur est présent. Les interventions extérieures, si nécessaires, se font en direct par visio », explique Léo Lemberton. De l’autre côté du plateau, l’équipe de régie a aussi été réduite pour éviter la multiplicité des contacts rapprochés.

Finalement, les choses se compliquent surtout pour les équipes de tournage qui doivent partir en reportage sur le terrain. « Normalement, nous avons six à sept équipes par jour en extérieur pour des sujets infos mais aussi plus magazine. Aujourd’hui je n’envoie plus que trois équipes toulousaines et une équipe d’une des correspondances région », explique Léo Lemberton. Dorénavant, chaque JRI possède son propre véhicule et son propre matériel jusqu’à la fin de la période. Garés sur le parking extérieur de la station, ils ont tout à leur disposition pour réaliser leur travail avec précaution. « Ils ont notamment en leur possession des perches pour les micros afin de garder une distance de sécurité pendant les interviews. Les perches sont entourées de cellophane qui est changé après chaque rencontre. Ils doivent aussi porter un masque. »

Autre mot d’ordre à France 3 : l’anticipation. Avec un rythme de travail ralenti par ces changements de méthodes et les distances sociales établies, la réalisation des sujets TV est devenu un travail beaucoup plus long. « Pour contrer les aléas du quotidien, j’envoie toujours une des équipes tourner un sujet pour le journal du lendemain. Je préfère qu’on anticipe ».  Le travail s’est aussi complexifié pour les monteurs qui travaillent désormais en

Pour les interviews, les micros sont désormais sur des perches

nomade, mais tout le monde n’ayant pas accès à une bonne connexion internet, envoyer les rushs est devenu plus fastidieux. Pour le rédacteur en chef de France 3, « c’est donc plus long que d’habitude. On a perdu beaucoup en rapidité d’exécution ».

Du côté de la correspondance toulousaine de France 2, la situation semble similaire. « J’ai maintenant ma propre voiture et je ne pars plus avec l’équipe de tournage car nous ne pouvons pas être plus de deux par voiture », nous confie Stéphane Henry, monteur chez France 2 Toulouse. Pour ce qui est du montage des reportages, leur poste de travail a été adapté afin qu’une distance de plus d’un mètre soit respectée entre le monteur et le journaliste. À tout cela, s’ajoute l’usage des « traditionnels » gel hydro-alcooliques, masques, désinfections des lieux de travail et les multiples séances de lavage des mains. Toutes leurs méthodes de travail ont donc été revues et réorganisées, et ce jusqu’à l’organisation des placements dans les voitures. « Le conducteur doit toujours être opposé au passager qui s’installe à l’arrière », nous explique-t-il.

Tout à domicile pour la radio

L’avantage donné au télétravail pour la radio. C’est du moins la décision prise par la direction d’A2PRL. Cette agence de presse conçoit les flashs infos de diverses radios depuis leur agence toulousaine. Seulement, suite aux annonces d’Emmanuel Macron concernant le confinement, une réorganisation s’est imposée. « On a dû s’organiser rapidement pour passer le maximum de personnes en télétravail mais aussi en chômage partiel. Alors qu’initialement tout le monde travaillait depuis l’agence … », détaille Olivier Montégut, journaliste et responsable de la rédaction.

Alors que les effectifs de l’agence s’élevaient à 22 personnes travaillant quotidiennement, ils ne sont maintenant plus que six à poursuivre leur travail. Une importante réduction d’effectifs qui s’est imposée en vue du changement de la ligne éditoriale. « En vue du contexte, on a décidé de supprimer les flashs d’info locale et de se concentrer uniquement sur l’info nationale. Les journalistes se sont confinés, et les journaux locaux sont moins alimentés, donc nos sources se sont raréfiés ». Sur le long terme, le journaliste exprime aussi la volonté de reprendre un peu d’infos locales, « mais cela demanderait une augmentation des moyens financiers et matériels pour reprendre des journalistes supplémentaires ».

Chez A2PRL les cabines d’enregistrement déménage

Côté technique, les cabines d’enregistrement ont aussi déménagé. « En une semaine, on a délocalisé le matériel nécessaire à domicile. On a aussi fait plusieurs tests avec la technique à distance pour assurer l’enregistrement de nos flashs infos », explique le journaliste d’A2RPL. Pour ce qui est du travail sur le terrain, tout se fait aussi avec précaution. Olivier Montégut explique qu’ils ont dû innover en utilisant différentes applications d’enregistrement téléphoniques afin de réaliser des interviews. Et tout reportage a été annulé, « le reporter a d’ailleurs été mis à l’arrêt vu qu’il ne travaillait qu’en extérieur ».

Les journalistes usent dorénavant de différents logiciels pour monter leur enregistrement mais aussi pour les envoyer aux radios. Ils utilisent notamment Team Viewer pour se connecter à distance à leur ordinateur de l’agence. Cela leur permet d’avoir accès à leur serveur et de faciliter les envois. Mais comme pour les rédactions TV, le travail se fait par conséquent de manière plus lente en vue des délais supplémentaires qu’impose ce travail à distance. L’anticipation reste de nouveau le mot d’ordre pour éviter les retards de diffusion.

Garder le contact avant tout

En dehors des modifications liées au travail, les différentes rédactions interrogées cherchent surtout à maintenir le contact au sein de l’équipe. Discussion WhatsApp, échange de mails ou usage de chat, toutes les techniques sont bonnes pour rester connecté à l’actualité, prendre des nouvelles de chacun ou entretenir des discussions moins formelles pour garder le moral. « Avant nous nous voyions tous les jours, il peut alors être difficile de perdre ce contact. J’échange donc au maximum avec l’équipe », raconte Olivier Montégut.

Ainsi, en plus des conférences de rédaction quotidienne par audioconférence, « nous avons aussi créé différentes discussions WhatsApp pour garder un lien social. Ça nous semblait important pour ne pas vivre les côtés difficiles que peut aussi avoir le confinement » , explique de son côté Léo Lemberton. Cela permet en effet de poursuivre la diffusion des informations clés mais aussi de prendre des nouvelles de chacun. D’autant qu’à France 3, certains, considérés comme fragiles face à l’épidémie, ont eu pour obligation le confinement total. « Cinq personnes ont contracté le covid-19 chez nous, et pas seulement des journalistes. Nous devons donc rester prudents et continuer de prendre de leurs nouvelles. »

Pour ce qui est de la presse écrite, La Dépêche du Midi n’a pas fait suite à nos demandes à l’heure actuelle.