Environ 500 personnes se sont retrouvées à la rue après l’incendie du squat de l’avenue de Muret en janvier. La solidarité s’organise rapidement pour venir en aide aux sinistrés. Des associations prennent en main l’accueil, l’aide et l’hébergement dans les gymnases et dans une partie du parc des expositions mis à disposition par la préfecture et la mairie. Les dysfonctionnements autour du relogement de ces personnes ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps.

En 2019, le Tribunal d’instance ordonne l’évacuation du squat. L’expulsion de centaines de personnes est empêchée par la « trêve hivernale », rapporte Daniel Rougé, adjoint au maire de Toulouse. Cette dernière est de courte durée, l’incendie contraint la mairie à la mi-février à reloger en urgence quelques 200 personnes. Pour les autres, l’absence de chauffage et les contrôles d’identité les dissuadent de se rendre dans les locaux ouverts par les pouvoirs publics. De nouveaux squats ouvrent à Blagnac dans un ancien Ehpad appartenant à Enedis, et au Mirail, rue Babinet. Une partie des personnes se retrouve donc à la rue.

La solidarité s’organise du côté des associations, des collectifs et des individus. Le Collectif Russell, le Collectif Lascrosses, la CREA (campagne de réquisition, d’entraide et d’autogestion NRDL.) ou encore le Droit au Logement 31 luttent pour « ne pas laisser la préfecture opportunément isoler et rafler les habitant·e·s du squat ». Ils pointent ainsi du doigt les recensements de la part des services publics et de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, craignant l’expulsion de nombreuses personnes isolées et en situation irrégulière.

« Nous voulons l’arrêt de toutes les procédures d’expulsion, notamment celles impulsées par la mairie de Toulouse… » –  Communiqué commun des Collectifs Lascrosses, CREA et du DAL31

Les habitants s’organisent également pour venir en aide à ces personnes sans logement. Lola est étudiante à Toulouse, elle a décidé d’accueillir chez elle trois personnes qui se sont retrouvées à la rue suite à l’incendie du squat. Elles ont pu loger pendant plusieurs jours chez l’étudiante qui s’est rendue chez une amie durant cette période. « La première nuit s’est super bien passée, je leur ai laissé les clés de mon appartement, ils ont pu y passer la nuit ». Une relation de confiance s’installe, Lola n’hésite pas à confier son appartement pour plusieurs nuits en attendant une amélioration de la situation des personnes concernées.

Éviter à tout prix la création de nouveaux squats ?

Une série de mesures dissuasives a été mise en place par les services publics et la préfecture. L’objectif ? Eviter à tout prix la création de nouveaux squats.

« Nous nous sommes pliés aux différents recensements que la préfecture a ordonnés. Malgré cela, silence radio à la préfecture. Un silence criminel…  Comment accepter de laisser 500 personnes dans la détresse ? » – Le collectif Russel

Il y a un mois, c’est dans un bâtiment vide, rue de la cité administrative à Toulouse que 300 personnes ont tenté de trouver refuge. Sur place, les forces de l’ordre sont intervenues afin de dissuader l’action. Pour éviter toute occupation illégale de bâtiment vide, la mairie a adressé une lettre aux propriétaires de bâtiments désaffectés afin de prendre des mesures de surveillance et d’empêcher toute personne d’y accéder. Un arrêté  « anti-bivouac » a également été pris le 12 décembre dernier par le maire Jean-Luc Moudenc  afin de « mettre fin aux campements illégaux sur l’espace public ». Les campements sauvages dans les rues du centre ville étant « trop voyants et dérangeants ».

La préfecture a annoncé pouvoir accueillir les personnes nécessiteuses dans les gymnases « jusqu’à ce qu’une solution adaptée au regard de chaque situation personnelle puisse être mise en œuvre par l’Etat, en lien avec les services de la Mairie de Toulouse. Les locaux du site de l’avenue de Muret ne pourront pas être réintégrés, le bâtiment ne présentant pas les conditions de sécurité requises » d’après France Bleu.

La chambre de Amidou dans le nouveau squat du Mirail Photo : Mathida DIABY

« Comment détourner autant le regard ? » – DAL 31

Mais ces mesures ne sont pas du goût des associations locales, qui appellent à la responsabilité des représentants de l’État au sein du département. L’association le Droit au Logement 31 pointe du doigt, dans un communiqué, le non-respect des directives d’Etat, notamment de la part du Ministre chargé de la Ville et du Logement Julien Denormandie qui a lancé un appel le 10 février pour un plan national contre le « sans-abritisme ». Ce plan national vise à la réquisition de certains locaux désaffectés afin « d’en faire des centres d’hébergement d’urgence ».

Le logement : un enjeu au coeur des municipales

Le logement est au coeur des préoccupations pour ces élections municipales. Deux camps se dressent autour de cette thématique sociale. Environ 7 000 personnes vivent actuellement soit à la rue, soit dans un squat ou dans des bidonvilles.

Une situation préoccupante que souhaitent combattre les candidats Antoine Maurice (Archipel Citoyen) et Nadia Pellefigue (UNE). La saturation des CADA (Centre de Demandeurs d’Asile) et des CHRS (Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) accompagnée d’une actuelle crise du logement s’inscrivent dans une réflexion sociale autour de propositions sur le droit au logement.  Archipel Citoyen propose un accompagnement des personnes sans domicile ou sans papiers. La liste Une nouvelle Energie pour Toulouse de Nadia Pellefigue propose quant à elle le développement de logements d’urgence. Une proposition commune vise à la réquisition des logements vides de la ville rose.

Mobiliser les services de l’État et éviter la spéculation immobilière sont proposés par l’ancien maire Pierre Cohen (Pour la Cohésion). Le maire actuel Jean-Luc Moudenc campe sur ses positions : maintenir le prix du logement à un niveau abordable. S’il propose de poursuivre la construction de logements sociaux, il indique tout de même que « le financement du logement social est de plus en plus difficile ».

Les promesses de campagne et l’inaction ne sont pas du goût de tous. Les mots de Lola trahissent avec amertume une confiance en chute libre. Elle indique que  « les conditions d’accueil de ces personnes sont atroces, les demandeurs d’asiles sont contraints de fuir les pouvoirs publics, je suis plutôt pessimiste concernant la politique à venir, il faut tout revoir vis-à-vis de l’asile, du logement et de l’accueil ».

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