Après 40 ans de carrière, le papa de Bigflo & Oli sort un quatrième album entre salsa et chanson française. De son village de la Pampa en Argentine à la Ville rose, il reste animé par sa passion pour la scène.
Un disque d’or de Bigflo & Oli accroché au mur, des maillots de football argentins dédicacés par Maradona, des disques de salsa qui trainent sur tous les meubles de la maison. Pas de doute, nous sommes bien chez Fabian Ordonez, le père des deux rappeurs toulousains.
Sa casquette vissée sur la tête et son chien Pampa à ses pieds, le natif de Realicó en Argentine se souvient de son enfance.
« J’ai grandi dans un cocon très familial et j’étais un peu le chouchou du village », confie-t-il, le regard joueur et l’accent chantant.
À 60 ans, le musicien garde un souvenir ému de ses jeunes années dans ce petit village de la province argentine de la Pampa.
« Je voulais toujours être sur scène. Je pense que ça me vient de ma mère et de son père ».
Chant, danse, théâtre, il se souvient avoir souvent été « le centre des fêtes de famille ou d’école ».
Une tournée plus longue que prévue
« Je suis parti parce que je voulais faire l’artiste », explique le musicien. En 1978, alors que l’Argentine est entrée en dictature militaire depuis deux ans, Fabian part en tournée en Europe avec son groupe de musique folklorique.
« Au départ, c’était pour 6 ou 9 mois. Mon père m’a dit « c’est comme un service militaire, on ne va pas se quitter trop longtemps » ». Finalement, concerts après concerts et rencontres après rencontres, quatre années passent sans que Fabian ne retourne sur ses terres natales. Enivré par la scène, il découvre l’Europe sans papiers et la guitare sur le dos, avant de tomber amoureux de Toulouse.
« Je suis plus Toulousain qu’un Toulousain parce que moi je choisi d’habiter ici », rigole-t-il.
À la fin des années 1980, Fabian Ordonez pose donc ses bagages dans la Ville rose, sur les conseils d’un ami mexicain rencontré à Marseille. Il se souvient de ses mots : « Je suis dans une ville géniale, il y a beaucoup d’ambiance, de jeunes, de la musique partout ». Il rencontre la mère de ses deux fils, décide de s’installer définitivement et fonde le Barrio latino, bar de salsa de l’avenue de Muret.
L’aventure Barrio latino
Un café à la main dans la cuisine de sa petite maison toulousaine, Fabian Ordonez se remémore son arrivée dans la Ville rose, un tournant dans sa vie et sa carrière. Fini la route et le folklore argentin, le voilà guitariste de salsa.
« À l’époque, la salsa n’était pas du tout connue. Les gens confondaient beaucoup avec la samba brésilienne. On était vraiment le premier bar salsa à Toulouse. », s’enthousiasme le précurseur.
Jusqu’en 2010, Fabian est co-gérant du Barrio et en assure l’animation. Dans cette institution toulousaine défilent des musiciens cubains, argentins, mexicains, uruguayens. Fabian y su Salsa Caliente, le groupe da Fabian Ordonez, s’y est d’ailleurs formé: « Là-bas, on n’avait pas vraiment de nom, on a joué comme ça pendant sept ans et il n’y avait pas toujours les mêmes musiciens ».
De fil en aiguille, au son d’accords de guitare classique de contrebasse et de percussions, le groupe latino rencontre le succès et sort un premier album, « pour les clients du Barrio ». La pochette du disque à la main, regardant sa photo qui y figure, le musicien sourit : « J’avais encore les cheveux noirs ! ». Au gré des musiciens qui passent la porte du Barrio Latino, Fabian sort deux autres albums.
La musique, une histoire de famille
D’ici quelques semaines, l’Argentin pourra compter parmi sa discographie un nouvel opus, à la saveur différente des précédents. Pas de salsa pure pour ce quatrième album, mais « des classiques de la chanson française en français et en espagnol ». Enregistré dans le studio d’Alejandro Riquelme à Villeneuve-Tolosane près de Toulouse, il sera
« plus acoustique, plus intimiste, comme quand je sors la guitare à la fin d’un repas de famille ».
Ce sont d’ailleurs ses deux fils, les rappeurs Bigflo & Oli, qui produisent cet album.
C’est le succès de la chanson Papa, composée par ses enfants à l’occasion de son anniversaire, qui a poussé le mélomane à côtoyer à nouveau les studios d’enregistrement. « C’est la chanson qui a amenée à faire le disque », explique-t-il. « Depuis qu’ils ont commencé à avoir du succès, je leur casse les pieds pour qu’on fasse une chanson ensemble », s’amuse-t-il.
Fabian Ordonez a fait la tournée des zéniths et des festivals français avec ses fils Florian et Olivio, qu’il accompagnait sur scène pour interpréter la chanson qu’ils lui avaient dédiée.
« Me retrouver, 40 ans après, devant 10 000 personnes qui connaissent la chanson par coeur et de partager ça avec mes fils, c’est quelque chose d’énorme ».
En papa poule, il se remémore leurs débuts entre fierté et amusement : « Au Barrio latino, ils étaient avec des maracasses, en train de casser les pieds, ils voulaient taper partout. Un peu comme moi, ils voulaient toujours être sur scène. » Le musicien ne résiste alors pas et attrape sa guitare classique, délicatement rangée dans un étui. Avec facilité et dextérité, il fait glisser ses doigts sur le manche et entonne la chanson qui aura fait de lui le « papa le plus connu de France ».
Marie Toulgoat et Cécile Marchand Ménard.