Ce mardi 5 février 2019, une trentaine d’étudiants a bloqué Sciences Po Toulouse dès les premières heures du jour pour soutenir la Grève générale. Une décision contestée par certains et qui a été l’objet de nombreuses interventions lors de l’Assemblée générale organisée à cette occasion dans la matinée. A 13h, les participants se sont quittés sur la promesse de se retrouver pour continuer à débattre, notamment du fond de la loi dite « anti-casseurs » votée aujourd’hui à l’Assemblée nationale. 

5h30. Début du blocage

Une trentaine d’étudiants de différentes promotions de Sciences Po Toulouse se retrouve devant leur établissement. La veille, réunis en Assemblée Générale à 10h avec une vingtaine d’autres étudiants, ils se sont prononcés pour un blocage externe à l’occasion de la mobilisation nationale initiée par les syndicats et les gilets jaunes. Ce matin, ils mettent donc en application cette décision qui fit l’objet d’un vif débat en amoncellant poubelles et barrières de chantier à l’entrée principale du 2 ter rue des Puits Creusés. « JP », agent de la sécurité incendie du bâtiment, était là depuis 4h30, prévenu de l’arrivée matinale des bloqueurs. Après des discussions pratiques avec lui et entre étudiants, des petits groupes s’organisent aux quatre points principaux de blocage. Un groupe se rend devant l’amphithéâtre Boyer, situé dans les anciennes facultés de l’UT1, pour empêcher les étudiants de première année d’assister à leur cours, sans moyens physiques de blocages. Quelques personnes filtrent les entrées situées dans l’arrière-cour : les personnels et étudiants de l’UT1 ainsi que ceux de la médecine préventive peuvent rentrer dans le bâtiment au contraire de tous les membres de l’établissement d’études politiques. Le passage entre le bâtiment de l’IEP et l’UT1 est déjà fermé par des chaînes mais des étudiants le renforcent avec leurs propres cadenas. Quantà l’entrée principale, elle est impraticable et surplombée par une banderole « La Jeunesse s’enflamme pour la Grève générale »

8h20. La direction proteste

Le directeur de l’IEP et quelques membres du personnel arrivent à l’entrée principale. Les échanges sont animés entre Monsieur Brossard et les étudiants présents à cette entrée. Informé la veille du blocage par le groupe « Sciences Po Toulouse en lutte », il prône un dialogue qu’il considère incompatible avec la méthode du blocage. Il précise qu’il compte organiser une consultation ouverte à toutes les personnes concernées par un blocage notamment ceux qui « votent par les pieds » en ne se rendant pas aux AG. Quand vient la question de l’AG prévue ce jour-là dans la Cour arrière de l’IEP, il précise qu’il ne s’y rendra pas tant qu’elle n’a pas lieu dans l’amphithéâtre Héritier, situé au sein de l’établissement. Après une trentaine de minutes de discussion, les bloqueurs décident de suivre l’avis du directeur. Néanmoins tous les personnels administratifs et dédiés à l’évacuation et à la sécurité du batiment sont déjà rentrés chez eux à la vue du blocage. L’amphithéâtre Boyer restant disponible, il apparaît comme le point de chute idéal.

10h. Début d’une Assemblée générale réunissant autour de 200 personnes

Des étudiants et quelques membres du personnel commencent à se rendre en amphithéâtre Boyer pour l’Assemblée générale. À la chaire, quatre étudiants, deux filles et deux garçons volontaires pour organiser l’AG, préparent le débat. Au tableau une proposition d’ordre du jour est faite. « Nous rappelons que l’ordre du jour est participatif » précise Jeanne à intervalles réguliers avant le début de l’AG. Faute de micro, il faut parler fort pour faire entendre sa voix dans l’amphithéâtre, complet au début de l’AG. Malgré cela, le débat commence avec notamment un premier point sur l’état de la mobilisation. Manu, un Gilet jaune qui précise ne pas en être le représentant rappelle que les Gilets jaunes soutiennent le mouvement des jeunes. Mobilisés en ce mardi, ils ont bloqué les halles de Rungis dans la nuit. « Nous ne représentons pas le peuple mais une partie du peuple » ajoute-t-il. Pour Florian, étudiant en cinquième année, la grève du jour est un tournant décisif dans le mouvement.

La question épineuse du blocus est ensuite abordée. Certains étudiants considèrent qu’il s’agit d’une minorité « imposant [sa] forme de mobilisation à tous les étudiants ». Augustin déplore une division engendrée par le mouvement alors même qu’il soutient la mobilisation en elle-même. Les bloqueurs, présents dans les rangs de l’AG prennent la parole pour justifier leur action. « Personnellement, je n’étais pas pour le blocage quand je suis venue en AG hier [lundi] mais j’ai été convaincue », précise l’une d’entre eux. Pour cette dernière, deux objectifs étaient recherchés à travers cette action : celui d’amener les étudiants et personnels à venir débattre lors de l’AG qui se tient, et celui du symbole à travers le blocage d’un établissement d’enseignement supérieur considéré comme élitiste par certains. Pour elle, le second objectif est atteint mais le premier reste un pari sur le débat potentiel au sein de l’AG.

Finalement, des voix de diverses opinions se sont élevées pendant ce temps d’AG, notamment concernant l’organisation du débat. « Il manque du débat de fond », déplore Adrien, un étudiant venu de la Toulouse Business School. Il préconise des groupes de discussion préalables avec des personnes de différentes sensibilités pour faciliter les prises de décision au sein des AG dont il souligne la bonne tenue.

13h. L’Assemblée générale se conclut pour permettre à certains de se rendre en manifestation

Le mode de vote, à mains levées, sera en principe abandonné lors de prochaines AG pour éviter la stigmatisation des votants (Manon Pellieux)

Après près de trois heures de débats, les participants, dont le nombre s’est écrémé, se quittent sur la décision d’organiser une nouvelle AG incessamment. En effet, 13h, c’est l’heure de rassemblement donnée pour les étudiants et lycéens Place du Capitole, avant une convergence vers Saint-Cyprien pour le début de la manifestation syndicale. Si certaines propositions n’ont pas pu être votées, faute de temps, les modalités de vote, au sein et en dehors de l’AG ont été vivement débattues. L’arrêt du vote à mains levées au profit d’un vote secret, électronique ou papier, a été adopté à la majorité. La condamnation de la loi dite « anti-casseurs » a aussi été adopté à la majorité, alors qu’elle était discutée au même moment à l’Assemblée Nationale. L’article 2 revient comme l’élément liberticide concentrant les craintes. Une étudiante de quatrième année, sensible à cette question propose de se réunir pour en débattre en détail et préciser le fond de l’opposition pour pouvoir voter une telle condamnation en toute connaissance de cause. L’occasion d’appuyer sur la pédale d’embrayage ?

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Avec Manon Pellieux