Braquer une banque avec un tournevis, sous l’emprise de stupéfiants et sans préméditation, c’est la « mission impossible » que se lance le prévenu M. C un soir de février. Ce mercredi 11 avril 2018, il comparaissait à 15h au Tribunal correctionnel de Toulouse en comparution immédiate. Récit de l’audience.

A deux heures du matin, la nuit du 14 février 2018, le prévenu M. C  parvient à s’infiltrer par effraction dans le hall de la banque BNP Paribas rue Alsace Lorraine, armé d’un tournevis au manche orange. Une idée en tête : s’emparer de l’argent des distributeurs. Sous l’œil des caméras de surveillance, il fracture la porte d’entrée avec son vélo, il pénètre alors dans le local technique derrière les distributeurs.

Il n’aura fallu que quelques minutes pour qu’il se soit interpellé en flagrant délit par les services de police. C’est une alarme silencieuse anti-intrusion qui a averti le vigile. Ce dernier a ensuite lui même averti les services de police. Ils ont découvert M. C allongé derrière les cartons. Il se rend alors, reconnait les faits et s’excuse. Il déclare lors de sa garde à vue : « Je voulais un peu d’argent pour vivre. Je voulais seulement accéder au distributeur à billet. J’avais la folie des grandeurs. » Garde à vue qui le renvoie devant le Tribunal 

« Un individu aux tendances antisociales, schizophrène et au niveau intellectuel faible »

Le prévenu est originaire d’Albi et vit là-bas, il prétendait pourtant être sans domicile fixe et vivre dans un squat derrière la gare Matabiau depuis trois semaines avant les faits. « J’ai quitté Albi car je voulais bouger, j’étais trop connu là-bas », affirme-t-il. Et pour cause, avec seize mentions affichées dans son casier judiciaire (des tentatives de vol par effraction à emprisonnement ferme et avec sursis), il était devenu un habitué des services de police du coin. Ses antécédents judiciaires sont aussi lourds que ses antécédents psychiatriques.

Né en 1984, il est hospitalisé dès ses 14 ans pour schizophrénie paranoïde. Il est par la suite hospitalisé et fugue à de nombreuses reprises. Aujourd’hui suivi par un médecin, il est placé sous curatelle et touche 90 euros par semaine en tant qu’adulte handicapé. En effet, il a été déclaré comme inadapte au travail. Les experts psychiatriques le décrivent comme « un individu aux tendances antisociales, schizophrène et au niveau intellectuel faible ». Il a été soulevé également ses conduites addictives en raison de sa dépendance au cannabis et plus ponctuellement à la cocaïne.

Mission impossible, comportement incohérent

M.C se trouve là, penaud, derrière la vitre des accusés du Tribunal correctionnel, ce mercredi 11 avril. Il est accusé de tentative de vol de billets disponibles dans les distributeurs des locaux du BNP Paribas.

C’est au tour de la procureure d’intervenir. Elle rappelle que le prévenu percevait 800€ par mois, ajouté de 90€ par semaine en tant qu’adulte handicapé et tranférés par sa curatrice. « Pourquoi cherchiez-vous à voler de l’argent alors que vous perceviez 800 € par mois ? », le questionne-t-elle. Silence. « Qu’aviez-vous prévu de faire avec cet argent ? Acheter de la nourriture ? De la drogue, peut-être ? Je ne sais pas, je vous questionne ». Trop de questions qui restent sans réponses de la part du présumé.

Le juge insiste.

« J’avais perdu ma carte de crédit », lâche le prévenu, l’air déconfit.

La procureure poursuit. Selon l’expert psychiatre, le patrimoine psychiatrique de M. C est assez lourd. Entre multiples séjours en hôpital psychiatrique et consommation régulière de cannabis et ponctuelle de cocaïne, difficile de ne pas se laisser tenter par l’interdit.

« Vous le savez aussi bien que moi M. C, la consommation de substances illicites exacerbe le passage à l’acte », certifie la procureure.

La procureure suppose que le présumé avait consommé des stupéfiants avant la tentative de vol. Braquer une banque avec un tournevis, c’est non seulement insensé mais aussi mission impossible. Une vision complètement déconnectée de la réalité.

Avec seize condamnations pour vol – avec emprisonnement – au compteur, la procureure doûte que M.C ne soit pas tenté de nouveau au délit de vol. Elle demande une condamnation à neuf mois de prison.

Une défense vigoureuse mais en vain

La défense se tient prête à plaider. Dans un contexte de grève des avocats, le présumé, sans défenseur dans un premier temps, se trouvait dans une situation difficile. L’avocate énumère des arguments qui tiennent la route.

« Comme vous l’avez souligné Madame la Procureure, les faits reprochés sont matériellement impossibles. Attaquer un distributeur avec un tournevis, c’est mission impossible. J’ajoute que M.C était conscient de la présence de caméras de vidéosurveillance. Toute une situation, dénuée de bon sens, bien révélatrice du caractère irréfléchi et impulsif du délit et des déficiences psychologiques sévères du prévenu », ajoute l’avocate.

Elle poursuit. Elle semble confiante. Elle rappelle qu’au moment du délit, M. C était en rupture totale de soins et de liens avec sa curatrice depuis plusieurs semaines. Un moment d’égarement qui aurait du être évité.

Elle renchérit. De 2012 à 2015, aucun délit ni fait n’a été reproché au prévenu. Trois ans d’attitude irréprochable, sans récidive, qui correspondent à une période de soins et de traitements cadrée par une curatrice.

« Depuis 2015, M. C ne bénéficie plus de soins puisqu’il est en qualité de détenu. Il est inutile de prolonger sa période de détention. D’autant plus que le présumé a récemment été violenté par son co-détenu », conclut l’avocate.

A 16h, après vingt minutes de délibération, le verdict tombe. Déclaré coupable, il reste en détention. Après déjà deux mois de prison, il écope d’une peine de 9 mois d’emprisonnement dont six mois d’emprisonnement ferme et trois assortis d’un sursis et de 3 ans de mise à l’épreuve. Pendant celle-cil, il devra justifier régulièrement de sa soumission aux soins. 

Elisa Rullaud et Pauline Ducousso