Crédit photo : Inès Hirigoyen

L’immigration en France est aujourd’hui de plus en plus importante. Dans les grandes villes de l’Hexagone, comme à Toulouse, les familles de migrants sont nombreuses à séjourner dans les rues de la ville pour quelques temps. Cristian, jeune garçon de 11 ans, est né en Italie de parents roumains. Il est arrivé avec eux en août dernier, dans la ville rose. 

« La vie était difficile pour mes parents. On habitait dans une maison qui n’en était pas vraiment une et mon père ne travaillait que quelques jours par semaine ». Du haut de ses 11 ans, Cristian raconte les détails de sa vie comme s’il récitait une histoire sagement apprise. Tous les soirs de la semaine, quand le temps le permet, le petit garçon et ses parents s’allongent sur des palettes en bois posées à même le sol en attendant que « quelques pièces » leur soit données. Ce soir là, il pleut beaucoup, mais avec une certaine maturité Cristian explique que « pour survivre », il faut venir là tous les soirs.

De Roumanie, où la vie était difficile et le travail absent, les parents du jeune garçon partent en Italie avec l’espoir de reconstruire une vie de famille. C’est là-bas, dans Il bel paese, que Cristian vient au monde. Il grandit dans la ville d’Avellino, située au sud de l’Italie, et apprend à parler l’italien. Mais, huit ans plus tard, les conditions de vie de la famille sont tout aussi précaires qu’à leur arrivée. La décision est sans appel, le jeune garçon et ses parents rentrent en Roumanie. De ce retour en arrière, un nouvel espoir se fait sentir, et tous se disent que « peut-être ça marchera mieux ». Et pourtant, ni emploi, ni logement décent ne viennent réconforter Cristian et les siens. C’est tous ensemble qu’ils décident à nouveau de quitter leur situation en Roumanie et de s’installer dans un autre pays.

Et puis, la France !

Après un long trajet en bus, la famille roumaine arrive dans un « pays riche » selon les mots de Cristian, et plus précisément en France où elle pose ses valises à Paris (dans un premier temps). Mais une fois de plus, « il n’y avait pas de travail du tout » . Cristian et les siens ont « dormi dans la rue aussi, mais ça n’a pas marché », confie-t-il alors adossé à une vitrine d’un magasin toulousain.

« A Toulouse,  on voit que ça marche beaucoup mieux »

Déçue par la capitale, la famille décide de la quitter pour venir dans le sud. Ils partent pour Toulouse, et au cours du mois d’août 2017, Cristian et ses proches dorment dans les rues de la ville. Plus précisément “dans la rue Lafayette”, ajoute Cristian, un sourire aux lèvres. Une expression déconcertante qui dénote avec les conditions de vie dans lesquelles l’enfant évolue.  Aujourd’hui, grâce à la fédération Droit Au Logement (DAL), ils peuvent passer les nuits au chaud, dans un appartement, et même se préparer à manger. Une main tendue que Cristian et sa famille remercient, surtout lors des nuits hivernales, même si la jouissance de ce petit confort ne soit qu’à durée limitée.

Mais leur logement n’est qu’une petite victoire pour la famille. Les parents de Cristian, pourtant inscrits à Pôle Emploi, ne peuvent travailler. Et pour cause : aucun emploi n’est disponible. Les journées sont longues, les soirées difficiles, mais Cristian n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Ses journées à lui sont différentes de ses parents. Le matin, il prend le bus seul et part en direction de son école primaire.

Une volonté d’apprendre

Scolarisé à l’école de Lakanal, en plein centre de Toulouse, le jeune garçon parle un français quasi impeccable. Ses premiers mots, il les a prononcés dans une école à Paris avec d’autres enfants migrants.

« J’étais inscrit dans une classe pas comme les autres, dans une classe où les personnes ne savaient pas parler français. Je ne savais que dire ‘bonjour’ ‘je m’appelle’, je ne savais pas dire autre chose », raconte Cristian.

La maîtrise de la langue, il l’a acquise en étant à Toulouse. Et la ville le lui rend bien, puisque Cristian a désormais la possibilité d’intégrer le prestigieux collège Pierre de Fermat, l’année prochaine. Après une visite « fantastique » de l’établissement, le jeune garçon, emballé, raconte qu’il s’est fait « de nouveaux copains qui l’attendent ».

Motivé, mais intransigeant envers lui-même, Cristian explique que son vocabulaire n’est pas encore « assez enrichi ». L’orthographe ? Il se sent « très en arrière, pas trop, mais quand même ». Le problème avec le français ?  « Tu ne l’écris pas comme tu le dis, et puis il y a beaucoup trop d’homonymes ». Le français c’est important, mais la matière que préfère Cristian,  ce sont les mathématiques. Additions ou divisions, les nombres n’ont plus de secret pour lui. Et puis en maths, on parle tous la même langue.

Un rêve d’enfant

Cristian n’a que 11 ans, mais à son âge il parle déjà couramment l’italien, le français et le roumain. En plus de ses quelques mots d’espagnol, il rêve d’apprendre l’anglais et pourquoi pas le chinois. Et puis, lorsque Cristian imagine sa vie future, dans plusieurs années, il hésite toujours entre notaire ou avocat.

« J’ai toujours eu cette envie depuis tout petit. Avocat, ça fait beaucoup de problème [rire de sa mère], tu restes pas beaucoup avec ta famille. C’est aussi, tu vois, comme si quelqu’un te demande de l’argent pour délivrer quelqu’un qui a fait vraiment du mal, j’aime pas. Notaire, c’est venu cette année, c’est plus tranquille et en plus tu restes avec ta famille ».

Mais avant de devenir avocat ou notaire, Crisitian est avant tout un professeur de français. Le jeune garçon fait la leçon à ses parents qui ne savent ni lire, ni écrire le français. Un savoir qu’il est fier de pouvoir partager et un apprentissage qui n’a pas de prix pour ses parents.

A tout juste 11 ans, Cristian argumente ses choix, ses envies et rêve même d’un voyage aux Etats-Unis. A tout juste 11 ans, Cristian a déjà tout d’un grand.