« Desintox » à Libé, « Décryptages » au Monde : de plus en plus de rédactions françaises décident de consacrer une rubrique au « fact checking ». Le but : déceler le vrai du faux dans les discours politiques. Aux Etats-Unis, le Washington Post s’est même doté d’un robot capable de détecter les mensonges. Quelles perspectives pour cette nouvelle pratique journalistique ? Les Assises du journalisme 2013 ont tenté d’y répondre.

Littéralement, le fact checking signifie « vérifier les faits » mais il consiste pour le moment davantage à vérifier les discours, épingler ceux qui sont contraires à la vérité. Ces articles, la plupart diffusés sur le web, ont beaucoup de succès auprès du public. En France, la pratique reste « de l’artisanat pur et dur » comme le précise Samuel Laurent du Monde : ce sont des journalistes qui se consacrent à la veille puis au décryptage des paroles. De l’autre côté de l’Atlantique, le fact checking va plus loin.

Le shazam de la vérité

A l’image de la célèbre application pour smarthphone shazam qui permet de trouver de manière instantanée le titre et l’interprète d’une chanson que l’on entend, le Washington Post s’est doté d’un robot permettant de vérifier en direct la véracité des propos publics. Cory Haik, rédactrice en chef du journal, a présenté lors du débat ce qu’elle appelle « le shazam de la vérité ». A partir d’une base de données d’informations, des développeurs ont créé un algorithme capable de repérer les phrases fausses d’un discours. C’est le Truth Teller.

A première vue, on pourrait croire que l’invention signe encore un peu plus la fin de la profession de journaliste, l’homme étant remplacé par la machine. Cory Haik rassure : la lourde tâche d’offrir le maximum d’informations – vérifiées – de référence au robot incombe au journaliste. Il doit les actualiser le plus régulièrement possible, à l’image des chiffres du chômage par exemple.

Les journalistes invités à en discuter - Crédit: Florian Bardou

Truth Teller n’est qu’à ses débuts. Pour les élections de 2016, le Washington Post compte offrir au citoyen lambda la possibilité de fact checker directement sur le site une vidéo d’un discours qu’il aura enregistré. Les perspectives sont nombreuses. Pour Samuel Laurent, l’enjeu se trouve peut-être aussi dans les thématiques abordées : « On essaye de se diversifier, ce qui serait aussi intéressant est de décrypter les discours de patrons par exemple« .

Des discours difficiles à « épingler »

Comme toute pratique journalistique, le fact checking en général et le Truth Teller en particulier ont leurs limites. Certains hommes politiques, de part leur langue de bois ou simplement la tournure de leurs phrases, sont beaucoup moins faciles à « épingler ». Baptiste Bouthier, journaliste à Libération,raconte : « Pendant la campagne présidentielle, Hollande faisait des annonces tellement floues qu’il était difficile de dire s’il disait vrai ou faux alors que Sarkozy utilisait beaucoup de références chiffrées dont la moitié était fausse et plus faciles à vérifier« . Certains sujets ne se prêtent pas au fact checking. Ce fut le cas par exemple du débat sur le mariage pour tous durant lequel la plupart des déclarations étaient des jugements.

Si la pratique a ses limites, les hommes politiques ont déjà su se l’approprier, à l’image de Nathalie Kosciusko-Morizet et Anne Hidalgo, candidates à la mairie de Paris, qui réutilisent régulièrement les articles de fact checking pour attaquer leurs adversaires.