« Le Mystère du journalisme jaune » ou comment les méthodes d’enquête d’un personnage fictif peuvent révéler un système médiatique soumis aux pressions et à l’autocensure.
Philippe Merlant en pleine démonstration d'enquête policière
Phillippe Merlant, ancien journaliste à Libération et président de l’Université Populaire pour une Information Citoyenne (UPIC), a choisi d’aborder la question de l’indépendance et de la liberté de l’information au travers d’une « conférence gesticulée ». Un format semble-t-il en vogue, qui n’est pas sans rappeler le Live Magazine, revue d’articles vivants créée par Thomas Baumgartner.

Une véritable enquête policière sur les médias

Le sujet est souvent abordé, notamment par Serge Halimi dans son essai Les Nouveaux chiens de garde et dans le documentaire éponyme. La nouveauté proposée par Philippe Merlant est de s’appuyer sur six questions d’enquêtes policières. Il s’inspire de Joseph Rouletabille, célèbre reporter du Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux, pour trouver une solution: Y a-t-il eu crime ? Et quel crime ? Qui est le criminel ? Quelle est l’arme du crime ? Quel est le mobile du crime ? Mais les plus intéressantes pour le milieu du journalisme sont sûrement : Comment fabrique-t-on des criminels ? Et comment peut-on prévenir le crime ?

Point par point, Merlant démonte le crime perpétré par les médias. Non pas trop d’erreurs, de subjectivité ou de mensonges, mais plutôt ce qu’il appelle la subjectivité orientée. Une subjectivité due aux pressions extérieures (les politiques, les patrons de groupes de presse, le lectorat) et internes aux rédactions (les rédacteurs en chef et le journaliste qui s’autocensurent). Tout le monde est donc complice du crime, comme l’a prouvé Agatha Christie dans Le Crime de l’Orient-Express. La victime de cette complicité involontaire semble finalement être la démocratie, la mise sur un pied d’égalité des différents groupes sociaux par leur accès à l’information.

Résoudre le crime, résoudre la crise des médias

Les choix faits en conférence de rédaction quant aux sujets traités, aux angles, aux interviewés, aux images, sons et mots utilisés, participent à l’élaboration d’une vision médiatique unique du monde et au mimétisme entre les médias. Philippe Merlant dénonce dans le fond la personnalisation de l’information, la place trop importante faite à l’individu, au portrait, voire au « people ».

Alors comment y remédier ? Selon lui, il faut lutter contre la formation standard des journalistes, la trop grande importance du marketing dans les entreprises de presse et le traitement similaire de l’information. L’utilisation du web, une plus grande participation des citoyens dans l’élaboration de l’information et surtout un conseil, propre au métier et veillant au respect de la déontologie, peuvent aider à améliorer les pratiques du journalisme et en limiter les dérives.

Peut-être le mode théâtral et comique aidera à mieux faire passer le message au sein des grands groupes de presse, ou du moins vers les journalistes prenant conscience de s’être limités eux-mêmes à cause des pressions de leur hiérarchie ou leur propre peur.