L’augmentation des frais d’inscription est encore une fois d’actualité à Sciences Po Toulouse. Elle apparaît, pour l’administration, comme l’ultime solution d’une situation budgétaire déficitaire qui pourrait, à terme, rendre plus qu’incertaine la bonne marche de l’IEP.
Loin d’être une particularité locale, l’augmentation des frais d’inscription remet sur le tapis la question de la gestion des IEP par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
À l’IEP de Toulouse, en raison de la non-conformité des locaux aux normes de sécurité, les frais supplémentaires engagés, principalement pour la présence permanente d’agents de sécurité, ont grevé le budget de l’institut. Le Conseil d’administration du 17 décembre 2012 avait unanimement refusé de voter le budget, qui aurait nécessité de puiser dans les réserves de l’IEP. Suite à ce refus, la visite de Philippe Raimbault, (directeur de l’IEP), et de Nicole Belloubet (professeure à l’IEP et élue au Conseil d’administration) au ministère avait permis d’obtenir une aide de l’UT1 destinée à financer les dépenses de sécurité, la garantie de deux postes (correspondant déjà à la dotation globale), ainsi que le gel de la dotation ministérielle… Celle-ci sera en réalité revue à la baisse.
90 000 euros en moins
Finalement voté le 27 janvier sur la base d’une non modification des subventions gouvernementales, le ministère a en effet décidé fin février de baisser la dotation globale de 5 % (soit 90 000 euros par an). Une première dans l’histoire de l’IEP.
Pour faire face à cette diminution, les frais d’inscription passeront, dès la rentrée 2013, de 725 euros à 800 euros, provoquant la vive opposition des syndicats étudiants, l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) et l’IEP (Initiative des étudiants progressistes). Une première assemblée générale s’est tenue jeudi 21 mars. La mobilisation est lancée: rassemblement des étudiants devant le rectorat la semaine dernière, rédaction d’une lettre ouverte au ministère, prévision d’une journée « IEP mort »… Pour Constantin Lopez, élu IEP au Conseil d’administration de Sciences Po Toulouse, l’augmentation des frais d’inscription n’est pas acceptable et conduit à « assimiler l’enseignement supérieur à une marchandise qu’on doit payer ». Néanmoins, le mouvement « ne s’inscrit pas en opposition avec la direction. Elle est mise sous contrainte, on lui attribue une quantité de moyens déterminée. Mais elle se rend bien compte des graves conséquences de la politique du ministère sur le fonctionnement de l’IEP ».
Effectivement. Pour Philippe Raimbault, qui « comprend » les étudiants, « la manière dont ils se mobilisent, en ciblant le désengagement de l’État et l’absence totale de la Fondation dite Nationale des Sciences Politiques (FNSP) paraît montrer qu’ils ont pris conscience que c’est ni par plaisir ni par conviction qu’on proposait cette augmentation des droits ». Car c’est bien là que le bât blesse !
Le syndicat IEP dénonce « la politique détestable et l’éducation à deux vitesses du Ministère et de la FNSP », qui se traduit par un sous-financement des IEP de Province. « On se demande à quoi sert la FNSP : contribuer à la bonne marche des IEP ou financer Paris et octroyer des bonus incroyables à ses dirigeants ? Il n’est pas admissible que dans des filières qui sont équivalentes en terme de formation, il y ait d’un coté la filière d’élite, qui est inondée de financements et les autres IEP qui ne reçoivent rien et qui sont considérés comme des IEP poubelles ».
Le financement provenant de la FNSP est en effet de… 500 euros par an ! Le coût d’un étudiant à Sciences Po Paris est de 13 500 euros par an contre 4 800 euros à Toulouse.
« Un service public financé par l’impôt »
Pour Philippe Raimbault, « la baisse des subventions place l’IEP dans une alternative relativement simple qui consiste soit à supprimer des emplois alors qu’on en a fondamentalement besoin pour maintenir la qualité du service public, soit à augmenter les ressources ». Cette dernière solution apporterait 82 000 euros au budget, et comblerait donc presque la baisse de 90 000 euros. L’application des droits d’inscription à 800 euros en 2013 répondra à « une situation d’urgence », tandis que l’administration envisage pour 2014 la mise en place de frais modulés, en relation avec le revenu des parents. Si elle est adoptée, « plus de 50 % de la promotion verra ces droits baisser en 2014 ». Pour le syndicat IEP, cela remet en cause « l’autonomie des étudiants, la centralité du droit aux études et notre conception de l’enseignement supérieur, qui doit être un service public financé par l’impôt ».
L’IEP n’est pas le seul établissement touché par les coupes budgétaires, même si sa situation financière déjà dégradée pose le problème avec d’autant plus d’acuité. Les syndicats Unef et IEP envisagent la possibilité d’une mobilisation commune inter-IEP. Il s’agit de contester l’orientation générale adoptée par le gouvernement. Pour l’UNEF, «on demande aux étudiants de payer le prix d’une crise dont on est pas responsable. Le vrai problème, c’est qu’on hypothèque le futur. Le niveau de formation va déterminer notre productivité plus tard et la croissance potentielle de la France. Aujourd’hui, faire en sorte d’avoir un enseignement supérieur de qualité en particulier dans la période actuelle est essentiel. Et c’est un enjeu qui n’est pas saisi pleinement par les pouvoirs publics ».
L’augmentation des frais d’inscription sera mise en débat lors du prochain conseil d’administration, le 11 avril prochain.
En attendant, la mobilisation étudiante se poursuit avec une matinée « IEP mort » et une assemblée générale jeudi 4 avril.