A la Bourse du Travail de Paris ce jeudi 20 octobre, beaucoup de jeunes et moins jeunes se sont donné rendez-vous avec leur keffieh* et leur calepin. La raison de ce rassemblement ? Une conférence sur le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien organisée par Acrimed et animée par Benjamin Barthe, correspondant du « Monde » à Ramallah pendant neuf ans, et Julien Salingre, militant pro-palestinien et sociologue.
Pendant deux heures, les intervenants ont tenté de résumer, chacun à leur tour, leur vision du travail des professionnels de l’information occidentaux en Israël et en Palestine, tout en affirmant leur attachement à la cause palestinienne.
Benjamin Barthe : le terrain, les sources et les mots
Pour le journaliste, ce sont les principales barrières entravant l’efficacité d’un travail d’information sur place. « Le terrain n’est pas accessible à tous, du fait de plusieurs filtres : le gouvernement israélien, le morcellement des territoires palestiniens et les risques physiques dans certaines situations », affirme l’ancien correspondant. Il n’hésite pas à évoquer des collègues comme James Miller, tué à Rafah par un soldat israélien en 2003, et Alan Johnston de la BBC, enlevé par le Fatah [ndlr : parti palestinien au pouvoir en Cisjordanie] à Rafah.
Du côté des sources, « on en trouve une surabondance des deux côtés, ce qui est dangereux car on court le risque de se faire manipuler ». Une situation qui pousse la plupart des journalistes à préférer la situation du « juste milieu », ce qui selon le reporter empêche un traitement plus en profondeur de la situation : « On subit la tyrannie de la symétrie, ce qui nous fait tenir un discours sans pertinence ».
Les mots ont aussi leur importance selon Benjamin Barthe, notamment dans le discours porté sur le cas Gilad Shalit : « A l’époque les journalistes ont préféré le mot prisonnier à otage, or dans ce contexte, l’action du Hamas venait en réponse à un enlèvement de militants par l’armée israélienne ». Il existe une réelle difficulté liée à l’utilisation des mots pour les occidentaux à propos du conflit.
Julien Salingre : « le vrai problème, c’est la dépolitisation du conflit »
D’un point de vue de militant, l’engagement d’un journaliste n’est pas une barrière à un travail sérieux. Au contraire, le fait d’enlever à la situation son aura politique dessert le travail des professionnels de l’information sur place. « Les gens ne comprennent plus rien, les formats sont trop courts et les journalistes trop portés sur l’événementiel, on dirait un épisode de Tom et Jerry ! », s’indigne le sociologue.
Selon Julien Salingre, la plupart des journalistes collent à l’agenda médiatique du pays où ils transmettent l’information, ce qui provoque une « quasi-fusion entre le rythme diplomatique et le traitement de l’information ». L’important est pour lui de savoir traiter les moments plus calmes, sans attentat ni crise diplomatique, et aller au plus proche de la vie des gens, des deux côtés.
*Coiffe traditionnelle des paysans arabes et des Bédouins, symbole de la Palestine.