Wisconsin. Terres arides, paysans pauvres. Olinda, petite ville perdue, peuplée depuis des générations par des émigrants venus d’Allemagne et dont la caractéristique principale semble être l’inhospitalité. Au coeur du roman, deux familles de fermiers. D’un côté, les Lucas : Claire, la mère, belle femme brune et brillante, qui aurait mérité un tout autre destin, James et Bill, les deux garçons solidaires face à John, le père, ivrogne invétéré, dépassé par l’intelligence de sa femme et de ses fils. De l’autre côté du champ vivent les Morriseau, Rosemary et Ernie, auprès desquels les deux frères viennent trouver refuge.
« Wisconsin », c’est l’histoire d’un fils qui part au Vietnam et qui n’en revient pas, d’un frère blessé par ce manque, d’un père violent et sadique. C’est aussi celle du racisme au quotidien, de la mise à l’écart systématique de celui qui est différent, de la difficulté d’être ensemble, de l’absurdité des guerres, de la sagesse indienne, des esprits qui ne sauraient mourir.
Marie Relindes Ellis réussit à travers ce remarquable premier roman à graver une époque et un lieu dans le marbre de l’écriture. Fabuleusement humaniste, elle décrit aussi bien paysages que sentiments, amour que cruauté, sur fond de guerre du Vietnam et d’Amérique de la fin des années 60. Dans un rythme de va-et-vient entre présent et passé, les personnages prennent chacun leur tour la parole, déployant leurs passés pour s’expliquer le présent. Le mouvement ainsi créé vibre comme une mélodie douce-amère qui arrachera des larmes sincères au lecteur guidé par ses seules émotions.
Editeur : Buchet Chastel, 22 €, traduit de l’américain par Isabelle Maillet
Valérie Ravinet