Le 21 septembre 2001, l’explosion de l’usine AZF plongeait Toulouse dans la tragédie. Sept ans après, le procès demandé par les victimes s’ouvre enfin.

Il y a des événements qui ne nous touchent pas directement mais qui nous marquent. De nombreux Toulousains se rappellent encore aujourd’hui de ce qu’ils faisaient le 21 septembre 2001 à 10h17, l’heure de la catastrophe. « J’étais en cours de bio au lycée [Raymond-Naves] », se rappelle Jérôme, étudiant en Master 2 de droit. Ce jour là, une catastrophe industrielle fait basculer Toulouse dans le chaos,  » on a entendu une explosion et les vitres de la salle ont fortement tremblé « , ajoute l’étudiant.

AZF.jpg Cette explosion, c’est celle du hangar 221 d’AZF, propriété de la société Grande Paroisse, filiale du groupe Total. Une usine classée « Seveso II », située en zone urbaine à 5 km du centre de Toulouse, et qui fabrique des produits chimiques dont certains, comme le phosgène, sont mortels.

Le bilan officiel de l’accident fait état de 30 morts et de 2 500 blessés directs sans compter les milliers de personnes traumatisées, dont certaines sont toujours handicapées. Du côté matériel, on estime les dégâts globalement à 2 milliards d’euros [[Rapport du 24 octobre 2001 sur l’explosion de l’usine AZF, par le ministère de l’écologie]]. Le site AZF est soufflé, laissant un cratère ovale de 5 à 6 mètres de profondeur, et de nombreux bâtiments tels que la salle de spectacle Le Bikini, l’École de Chimie ou le lycée Gallieni, des grandes surfaces (Darty) sont touchés et parfois non reconstructibles. 30 000 logements et 70 écoles sont endommagés, 1 500 entreprises détruites.

Des hypothèses et une thèse officielle

Dès lors, de nombreuses hypothèses circulent : Un attentat ? Dix jours après les attentats du World Trade Center à NewYork, beaucoup ont immédiatement fait le lien entre ces deux événements. Cette hypothèse sera évoquée par certaines personnes [A lire : [une enquête d’Anne-Marie Casteret du 16/01/03 sur le site de L’Express ]] dont Daniel Dissy [ Dissy, Denis (2006).  » AZF-TOULOUSE. Quelle Vérité ? « . Edition des Traboules, 270p]]. S’est-il passé, ce jour-là, un accident initial à la SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs) proche qui serait le facteur déclenchant ? C’est une des thèses avancée dans l’hebdomadaire Valeurs Actuelles [[A lire : [un article publié par Elisabeth Studer le 24/07/06 sur le site de Valeurs Actuelles ]].

L’enquête ne retiendra pas ces thèses. Trois jours après l’attentat, le Procureur de la République de l’époque, Michel Bréard, affirmait « Il y a 99 % de chances pour que ce soit un accident ». En mai 2006, les experts rendent leurs conclusions, validées par la justice : « L’accident est de nature chimique ». Le rapport précise qu’un mélange accidentel de nitrate d’ammonium stocké dans le hangar 221 avec un produit chloré, le DCCNa, aurait conduit à une réaction chimique provoquant l’explosion.

IMGP2267.jpgCette thèse est soutenue par l’association des Familles endeuillées AZF Toulouse et l’association des Sinistrés du 21 septembre 2001. Pour Maître Daniel Soulez Larivière, avocat de l’ancien directeur de l’usine, Serge Biechelin, et de la société Grande Paroisse, « l’accusation repose sur des rapports d’expertises qui sont inexacts ». Citant la reconstitution faite en octobre 2002 et les conclusions des experts, il estime cet accident « impossible ». L’association des anciens salariés de l’usine, AZF-Mémoire et Solidarité, adopte une position similaire, « cette thèse n’est pas crédible », selon le président de l’association, Jacques Mignard.

Un procès exceptionnel

C’est sur la base des conclusions officielles contestées par certains qu’est notifiée, le 20 septembre 2006, la fin de l’instruction. Sur les treize personnes mises en examen, un non lieu est prononcé pour douze d’entre elles, dont le manutentionnaire initialement mis en examen pour « homicides et blessures involontaires ». Il était soupçonné d’être à l’origine du mélange malencontreux.

Restent Serge Biechelin, ancien directeur de l’usine AZF, et la société Grande Paroisse en tant que personne morale. Le 9 juillet 2007, ils ont été renvoyés par le juge Patrick Perriquet devant le tribunal correctionnel pour « homicide et blessure involontaires ». Les trois autres plaintes pour recours abusif à la sous-traitance, mise en danger de la vie d’autrui et entrave à l’enquête pénale n’ont pas été retenues.

Le procès en correctionnelle devrait s’ouvrir le 23 février 2009. Il peut être qualifié d’exceptionnel par son ampleur : durée de quatre mois, plus de 50 avocats, 3,5 millions de budget etc. Mais il ne s’agira pas d’un spectacle, loin de là.

Maître Daniel Soulez Larivière, avocat de la défense, attend de ce procès une relaxe pour ses clients. Pour Gérard Ratier, président de l’association des Familles endeuillées AZF Toulouse, ce sera « l’occasion d’éclairer les sinistrés » sur les circonstances de la catastrophe et les responsabilités. « Mais Total ne sera pas inquiété, donc les familles ne seront jamais totalement satisfaites », déplore le responsable de l’association. Jacques Mignard s’inscrit lui aussi dans cette démarche de recherche d’explications sur la catastrophe. Pour lui, « la page ne pourra être tournée que lorsqu’on aura les explications ».

L’Après-AZF

Quid de l’indemnisation des victimes ? Selon Maître Daniel Soulez Larivière, « Les indemnités réglées par Grande Paroisse, qui a cet effet a été recapitalisée, sont d’un peu plus de 2 milliards d’euros. Pratiquement 99 % des dossiers ont été réglés par la voie amiable sans intervention des tribunaux ». Cette affirmation est confirmée par Gérard Ratier, « il y a encore quelques litiges mais la majorité des victimes ont réglé la question de l’indemnisation à l’amiable ».

canceropole.jpgLe drame a entraîné la fermeture définitive de l’usine. On s’interroge alors sur le devenir du site. En mars 2003, Philippe Douste-Blazy, alors maire de Toulouse et président du Grand Toulouse, annonce la création à cet endroit d’un grand pôle de recherche, le Cancéropôle : « Le site de la catastrophe, porteur de mort et de douleur, va être un symbole d’espoir et de vie ». Le projet se révèle également d’un intérêt économique certain pour la ville

Après la dépollution du terrain, la première pierre est posée en juin 2007. L’ouverture de certaines structures se fera fin 2008-début 2009. Sur le site, une stèle et le pavillon de garde de l’usine, reconstruit, commémoreront la mémoire des victimes d’AZF.