Chacun aura le droit à ses x giga octets de célébrité. L’adage d’Andy Warhol, sur le quart d’heure de gloire accessible à tous, semble aujourd’hui trouver sa concrétisation virtuelle, à travers les blogs, ces blocs notes sur le net. Avec la mise en place de plates-formes clés en main (Skyblog, My Space, Canalblog, …), l’univers créatif du web devient accessible à tous les internautes. Avec près de 7 millions de blogs en France, dont environ 5.7 pour le seul Skyblog, la France s’impose comme le premier pays européen en nombre de journaux intimes en ligne ; le deuxième au monde derrière les Etats-Unis. Un internaute français sur dix a déjà créé son blog, soit 2,27 millions. Et ce n’est qu’un début… Leur nombre est multiplié par deux tous les cinq mois.
La ville rose suit-elle la tendance ? Les principaux moteurs de recherche de blogs ne permettent pas d’effectuer une demande par ville. Seulement au travers une longue observation de liens en liens, on découvre que les créateurs de blogs toulousains se révèlent aussi nombreux que diversifiés : adolescents, chômeurs, retraités, gérants de magasins, journalistes, professeurs, ingénieurs ou ingénues, etc.
« Pas besoin d’être un informaticien pour mettre son grain de sable sur la toile»
Le phénomène, largement démocratisé, peut potentiellement toucher tous les internautes (soit 7,2% des foyers équipés de cette technologie en France). Il n’est pas besoin d’être un informaticien chevronné pour mettre son grain de sable sur la toile. Moins de cinq minutes suffisent à créer son univers. Pour autant tous les internautes ne se lancent pas le défi. Car la mise à jour de blogs demande un investisse-ment personnel fort : « de temps et de persévérance », comme le souligne Benoît Desavoye, fondateur d’ « Haut et Fort », une des premières solutions française de blogging*.
Ainsi, les inactifs selon la nomenclature de l’INSEE se révèlent largement majoritaires, représentant près de 80 % des de blogueurs français. Plus de la moitié de ceux-ci sont étudiants ou lycéens, contre plus du tiers de retraités ou inactifs. Julie Rigaud, toulousaine de 16 ans, confie ainsi que le blogging est avant tout pour elle « un moyen comme un autre de passer le temps ». Huit blogueurs sur dix en France auraient moins de 24 ans. Ce n’est pas un hasard, si la plateforme Skyblog (skyrock) rencontre un tel succès. Le lien privilégié qu’entretient la radio avec les adolescents l’explique en grande partie.
Papy et baby bloggueurs
Même chez les seniors, le marché semble porteur d’espoir. C’est du moins le pari qu’a fait Senior Planet.fr qui a ouvert son espace « création de blogs », en septembre dernier. Si la présence des « papy blogueurs » demeure encore minoritaire (seuls 3 % des créateurs de journeaux en ligne dépassent 50 ans à la fin 2005, selon Médiamétrie), leurs « blog notes » paraissent souvent de meilleure qualité : par la richesse de leur contenu, autant que par l’activation régulière qu’ils pratiquent. A l’inverse, beaucoup de Skyblogs demeurent peu personnalisés graphiquement… Et parfois laissé quelque peu à l’abandon. Ainsi la bloggueuse toulousaine « punkee », 15 ans, n’a pas ajouté de contenu depuis plus d’un mois. Il faut dire qu’elle doit zapper entre ses nombreux journaux en ligne. Voilà ce que l’on peut lire sur sa page d’accueil « Bienvenue sur mOn deuxieme blOg, Mais 2° blOg persOnnel, Parce que sinOn, j’en ai déjà pleins».
Les enfants aussi mettent la main à la toile. Canaille blog, le premier service francophone de blogs pour petits, l’a bien compris. « 300 articles sont réalisés chaque jour par les têtes blondes » nous apprend Cédric, un des membres de l’équipe. Canaille Blogl référence pas moins de 713 « canailles blogueurs » enregistrés depuis novembre 2005. Un modèle qui a séduit quelques petits toulousains branchés, comme la très inspirée « Miloula », 10 ans, proposant des jeux, des blagues et quelques éléments de sa vie.
Blogs à part, à part entière
Autant d’utilisateurs particuliers, autant de blogs différents. La blogosphère toulousaine s’assortit à tous les goûts : de la passionnés de broderie, au fou de cyclisme, en passant par les amateurs de mots, de cuisine, de dessins, de photographies, sans oublier ceux qui exposent leur vie intime, avec plus ou moins de dérision (citons le blog « C’est comme si … » sous-titré « je vous racontais ma vie et que vous aimiez ça ! »),… chacun peut y trouver son compte, en plus de quelques surprises, comme la communauté des « jêtres différents » qui donne la parole aux animaux domestiques !
Ce sont les femmes qui, en majorité, alimentent les cyber-journaux intimes, tandis que les hommes semblent plus enclins à partager un avis sur un film ou sur l’actualité. Il n’est pas étonnant que les 54% des blogueurs soient des blogueuses. Les pratiques des nouvelles technologies par les filles s’articulent, de manière générale, autour du thème du lien. Myrtille, une de ses cyber-amie confie quant à elle : « J’habite depuis cinq ans à Toulouse, toutes les personnes que je connais, je les ai rencontrées à travers la blogosphère ».
Du côté des hommes, une autre logique suit habituellement son cours. « Lewis Caroll », fiscothérapeute toulousain de 48 ans, utilise son blog avant tout « pour faire profiter de [son] talent ». Quant à Jacques Danyels, dessinateur de 42 ans, il se définie comme un « blogueur solitaire ». Son journal » extime » est vécu comme un lieu d’exposition de ses dessins. Il a même introduit un lien pour effectuer des commandes à partir de son blog. Outre cet aspect commercial, il n’entretient aucune curiosité pour les autres blogs, qu’il ne visite pas.
Pour les jeunes, le blog serait, au contraire, un moyen de rester en relation avec leurs amis. Un phénomène qui accompagne leur attrait pour les textos et serveurs de messagerie instantanées. Ils reproduisent d’ailleurs le même langage dans ses différents médias, du genre « Commen G Tro Kiffé Cet Zik ».
Blogs, blancs, beurs ?
Des goûts et des couleurs, on ne discute pas. La blogosphère en offrirait pourtant une occasion rêvée. Mais les liens établis entre blogueurs restent généralement cloisonnés à l’intérieur des communautés qui la constituent, sans réel échange entre celles-ci. Ainsi, l’initiative « Toulouse Carnet », réunissant une fois par mois au Bijou les créateurs de journaux en ligne, n’a jamais fédéré plus de 30 personnes différentes depuis le premier rendez-vous, le 4 août. Si les liens à l’intérieur d’une même communauté sont forts, comme par exemple ceux unissant les membres de Frivoli, un blog littéraire, point de ralliement d’une quinzaine d’auteurs de carnets en ligne, des « vrais amis » qui se retrouvent une fois par mois autour d’un repas ; les barrières entre les groupes de blogueurs paraissent imperméables. Comme dans la vraie vie, un passionné de broderie a en effet peu de chances de tomber sur le cyber carnet d’un fou de rugby. Hormis l’apparition extrêmement limitée de « trolls » ou autres « vandales », saccageant des blogs en y postant une multitude de commentaires injurieux, les échanges entre communautés restent quasiment inexistants. Certes, lorsque Roxanne, enseignante de 40 ans, qui blogue autour de son intérêt pour la littérature, a rencontré un problème technique, elle a trouvé une aide immédiate d’un village de « geek », ces passionés de l’internet. Mais ses incartades dans d’autres mondes de la blogosphère « ne vont pas vraiment plus loin » confie-t-elle.
Loin du rêve d’universalisme d’un » blog, blanc, beur « , la sociologue Justine Herbert remarque : « On voit à quel point le modèle social américain de la « mosaïque socioculturelle » s’impose». La directrice générale de Médiamétrix , Arielle Dinard, poursuit cette analyse, dans le Journal du Net : « la France est très « communautaire ». C’est encore un peu Woodstock! ». Le « peace and love » en moins, les spams publicitaires en plus !
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Sources
* Bernard Desavoye, Les Blogs, nouveau média pour tous, M2 éditions 2005.
**A l’occasion d’une conférence de presse autour des Blogs et des Réseaux sociaux
***étude de Perseus
Illustration
Freakydoll et Kozlik
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