Après la clôture des vœux sur la plateforme d’admission post-bac, le 9 mars dernier, s’ouvre la deuxième phase du processus : la constitution des dossiers de candidature jusqu’au 6 avril inclus. Une nouvelle étape tout aussi angoissante pour les élèves comme pour leurs enseignants.

Depuis sa création en 2018, Parcoursup suscite de nombreuses critiques et génère du stress chez les candidats, leurs familles et tout le corps enseignant. Et cette année n’échappe pas à la règle. Les différentes phases de Parcoursup sont vécues comme une période difficile et angoissante, comme une impression d’être face à une roulette russe qui décidera de l’avenir de plusieurs milliers de jeunes. Selon un sondage réalisé par l’association Article 1, 66% des lycéens interrogés se disent « stressés ou paniqués » face au processus d’admission post-bac.

Une inquiétude qui se retrouve dans les mots de Léa, élève de terminale du lycée Stéphane Hessel. Elle explique : « Ce qui nous inquiète le plus, c’est de ne pas vraiment savoir comment l’algorithme fonctionne. Si on est refusé quelque part, c’est déstabilisant de se dire que c’est une machine qui a refusé notre dossier et pas une vraie personne, enfin c’est vraiment l’idée qu’on se fait de Parcoursup ». L’opacité des critères de sélection est effectivement l’une des critiques les plus récurrentes lorsqu’on évoque le fonctionnement de la plateforme avec les lycéens. Sur le site, les étudiants tentent leur chance sur dix vœux, sans les hiérarchiser, ce qui constitue la grande différence avec APB, l’ancêtre de Parcoursup.

Des critères de sélection encore trop opaques

Ce stress a aussi été aggravé par la médiatisation l’année dernière de quelques cas de très bons élèves qui se sont retrouvés sur le carreau, aucun de leurs vœux n’ayant été accepté malgré leur excellent dossier. Ce fort sentiment d’une sélection arbitraire reste donc à l’esprit de tous les lycéens. Pourtant, des efforts de transparence ont été faits par Parcoursup, qui rend désormais explicite le processus de sélection pour chaque vœu. Les formations elles-mêmes sont donc tenues d’expliquer leurs critères, même si ces derniers restent plus ou moins détaillés selon les cas.

Pour défaire cette impression d’opacité forte de l’algorithme, pourtant simplifié depuis APB, le fonctionnement de ce dernier a lui aussi fait l’objet d’explications. Sur la plateforme, cohabitent deux types d’algorithmes. D’abord, l’algorithme central de Parcoursup qui est un simple algorithme d’appariement effectuant donc des opérations de tri pour rassembler un élève et une formation, considérés comme potentiellement compatibles.

Il y a ensuite une multitude d’algorithmes locaux qui sont mis en place par les établissements eux-mêmes et c’est eux qui vont faire le véritable tri entre les candidats. Les critères pour départager les élèves sont ainsi décidés par ces établissements qui peuvent choisir de prioriser les notes, les appréciations, le parcours motivé ou encore le lycée d’origine. Pour les petites formations comme les classes préparatoires, l’étude des dossiers peut être faite par des humains tandis que dans les grandes formations avec des milliers de candidatures, elle est souvent automatisée.

Le bac passe en second plan

L’inquiétude est telle que Parcoursup supplante désormais le baccalauréat dans les préoccupations des lycéens. Loïs, élève de terminale au lycée Pierre-Paul Riquet à Saint-Orens de Gameville, témoigne : « Comme les relevés de notes ont une grande importance sur Parcoursup, tout ne tourne désormais plus qu’autour de ça. Derrière chaque contrôle, il y a un véritable enjeu et ça participe beaucoup à créer une angoisse permanente dans les classes. Le bac a désormais moins d’importance que les notes du contrôle continu ». Tous les bulletins scolaires de seconde, première et terminale sont en effet exigés sur Parcoursup.

Les enseignants aussi concèdent ce changement de priorités et subissent même une pression pour gonfler les notes. Loïs poursuit : « Notre professeur de géopolitique nous a expliqué qu’une réunion avait été organisée au début du trimestre avec tous les professeurs de terminale et qu’il leur avait été demandé de noter plus largement les élèves. Donc il nous a tous rajouté un point au dernier contrôle ». La justification derrière cette augmentation est le fait que d’autres lycées du rectorat, moins bien réputés, surnotent leurs élèves pour leur donner une chance d’accéder à leurs vœux. « Nos professeurs ne veulent pas créer d’injustice pour nous, c’est ce qui les a motivés à faire ça », finit Loïs, qui dénonce le non-sens de ces notes artificielles. Même son de cloche du côté des enseignants qui condamnent cette vision comptable de l’éducation et le stress quotidien qui en découle.

Un dossier de candidature lourd et exigeant

Autre source de préoccupation : la rédaction des lettres de motivation. En plus des relevés de notes, les candidats doivent rédiger un projet de formation motivé pour chaque vœu, l’équivalent d’une lettre de motivation condensée. Il faut aussi remplir la rubrique « Mes activités et centres d’intérêt », destinée à valoriser des expériences professionnelles ou compétences extrascolaires. Important donc de savoir se vendre, d’avoir les codes pour écrire ces projets motivés.

Elliot, élève du même lycée, avance : « Remplir tous les dossiers de candidature et surtout faire dix lettres de motivation, ça prend beaucoup de temps et c’est quand même compliqué, surtout qu’on n’en a jamais fait avant, heureusement que mes parents peuvent m’aider ». Une chance que n’ont pas tous les lycéens, ce qui rend la plateforme assez inégalitaire de ce point de vue. Ce n’est pas évident pour toutes les familles de naviguer dans cette jungle de formations, d’aiguiller leurs enfants. Les barrières numériques, symboliques, la connaissance du monde de l’enseignement supérieur, tout cela peut être socialement discriminant.

Elliot complète : « On a aussi eu un atelier organisé par le conseiller d’orientation du lycée pour nous donner des conseils sur le sujet mais il a eu lieu au début de l’année donc beaucoup d’entre nous n’ont pas eu l’occasion d’y participer et depuis, impossible d’avoir un rendez-vous avec lui ». Les conseillers d’orientation sont en effet trop peu nombreux avec un conseiller pour 1 500 élèves dans le secondaire. L’éducation nationale n’a donc pas assez de ressources pour répondre à la demande des élèves dans ce moment clé de leurs vies, ce qui participe au sentiment d’anxiété généralisée autour de Parcoursup.

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