Des mineurs étrangers isolés sont installés dans un bâtiment abandonné de l’Université Paul Sabatier depuis le 12 décembre. D’abord menacés d’expulsion par une procédure judiciaire lancée par l’établissement, ils obtiennent gain de cause auprès du tribunal administratif de Toulouse.

Une centaine de mineurs étrangers a investi le bâtiment 4R3 de l’Université Paul Sabatier (UPS). Parmi eux, Ramadane Diallo, originaire de Guinée, explique qu’ils sont « en attente de reconnaissance de leur minorité », un processus réalisé auprès du DDAEOMI (Dispositif Départemental, d’Accueil, d’Évaluation et d’Orientation des Mineurs Isolés), qui peut prendre plusieurs mois. D’abord regroupés au cœur d’un EHPAD abandonné, puis au niveau des allées Jules Guesde, lui et le reste du groupe sont aujourd’hui installés sur le campus d’UPS.

Ces jeunes migrants logent dans un bâtiment désaffecté, anciennement destiné à des activités de recherche scientifique. L’université, qui avait alerté sur la dangerosité du bâti et sur la présence de produits chimiques dans le 4R3, sollicite le juge des référés du tribunal administratif pour une mesure d’expulsion, le 22 décembre. « La particularité c’est que les jeunes ont été informés de l’audience moins de 48h avant sa tenue », précise Me Sarasqueta, en charge du dossier. Ayant été dans l’incapacité de se défendre, le tribunal administratif ordonne le 29 décembre leur expulsion d’urgence de l’Université Paul Sabatier.

Un élan de solidarité

Suite à la décision du tribunal, le groupe de mineurs isolés a reçu le soutien d’associations toulousaines et de syndicats étudiants, qui se sont mobilisés contre leur expulsion. Une marche est organisée par les différents groupes associatifs le mardi 3 janvier. Ramadane avait été « touché » par le nombre d’étudiants, de personnes réfugiées et de collectifs qui ont brandi leurs pancartes « Non à l’expulsion » à travers le campus, jusqu’au bureau du Président de l’université Jean-Marc Broto. Regroupés en collectif sous le nom d’AutonoMIE, ces jeunes isolés bénéficient de soutien scolaire, dispensé par le collectif Tech31, et de colis alimentaires apportés par le Secours Populaire ou l’association Saint-Vincent de Paul.

La marche contre l’expulsion du groupe de jeunes migrants, mardi 3 janvier.

Une « urgence d’expulsion inexistante »

Les trois avocats en charge de cette affaire, qui ont estimé que cette ordonnance était illégale, demandent un report d’audience afin de préparer au mieux les éléments de leur défense. Parmi ces éléments, ils s’appuient sur le manque de preuves concernant la dangerosité du bâtiment 4R3. « L’université considérait que ce bâtiment présentait un risque pour ces personnes », rappelle Me Sarasqueta, « mais ces allégations n’étaient pas prouvées ». Le 13 janvier 2023, le tribunal administratif revient sur sa première ordonnance, et renonce à la mesure d’expulsion des migrants présents dans ce bâtiment. Pour leur avocate, l’ « urgence d’expulsion était inexistante ».

« L’hiver constitue un plus grand danger que ce bâtiment »

Me Fanny Sarasqueta

Dans un communiqué daté du 23 janvier, l’Université Paul Sabatier prenait acte de cette décision, avant de rappeler que le bâtiment 4R3 « ne peut en aucun cas être considéré comme un bâtiment pouvant héberger des personnes ». L’établissement demande aux autorités compétentes d’apporter « des solutions d’hébergement respectant la dignité humaine ». Selon Me Sarasqueta, la décision du tribunal administratif est « très satisfaisante » concernant ces jeunes migrants, pour qui « l’hiver constitue un plus grand danger que ce bâtiment ». Quant à Ramadane, il se réjouit de ne pas être séparé de ses « frères de galère », et espère pouvoir mener une « vie normale » dans les prochains mois.

Crédits photo : Dorian M