Alors que la trêve hivernale a commencé, le nombre de logements vacants ne semble pas diminuer. Au contraire, il augmenterait même d’année en année. La question avait été remise sur la table par Cécile Duflot lorsqu’elle était ministre du logement, mais depuis son départ du gouvernement, en mars 2014, plus rien.

De nombreuses lumières éteintes, un dimanche soir en plein centre de Toulouse. Derrière les fenêtres, des bureaux, des cabinets d’affaires, mais aussi des appartements complètement vides… Les températures commencent à baisser, et des dizaines de personnes vivent et dorment dans la rue. Quoi de plus logique, peut-on penser, que de les loger dans ces bâtiments inhabités ?

Mais la question est plus compliquée qu’il n’y paraît. A cause de la loi, du droit à la propriété, du droit au logement…

Qu’est ce qu’un logement vacant ?

Se pose tout d’abord la question de la définition d’un logement vacant. D’après Matthieu Poumarède, professeur en droit de l’urbanisme, il n’existe aucune définition consensuelle : la loi française en comporte autant que de textes sur les logements vacants.

Une définition possible parmi d’autres peut malgré tout se trouver sur le site de l’administration française : il s’agirait de “ logement(s) inhabité(s) et vide(s) de meubles, ou pourvu(s) d’un mobilier insuffisant pour en permettre l’occupation, et donc non soumis à la taxe d’habitation”.

Plus de logements vacants que de demandeurs de logements

Sur le plan national, c’est l’Insee qui fait office de référence en terme de statistiques sur le nombre de logements vacants. Ses estimations se basent sur deux catégories d’indices : d’une part les compteurs EDF fermés, qui permettent de recenser les appartements sans électricité, et d’autre part les fichiers fiscaux, en particulier les données sur la taxe d’habitation et la taxe des logements vacants.

En 2015, l’Insee recensait 2,88 millions de logements vacants dans l’Hexagone. Avec de fortes disparités entre les régions, les villes, et même les quartiers. A titre de comparaison, fin 2015 plus d’1,9 million de demandes de logement social étaient enregistrées en France, selon le ministère du logement.

Vacant ne veut pas dire réquisitionnable

Pour faire face aux demandes d’hébergement et de logement, l’Etat peut réquisitionner des logements vacants. Plusieurs dispositifs existent (voir infographie ci-dessous).

Or, si la réquisition a été rendue possible dans le contexte post-seconde guerre mondiale, par l’ordonnance du 11 octobre 1945, et prolongée par plusieurs textes pour répondre à la crise du logement, elle est très peu appliquée dans les faits, que ce soit par la préfecture ou la mairie.

Déjà parce que ces milliers de logements vacants ne sont pas tous ouverts à la réquisition. Certains ne sont pas vides sans raison : ils peuvent être proposés à la vente ou à la location, et ne pas avoir trouvé preneur, d’autres peuvent être en travaux, d’autres encore sont en attente de règlement de succession. Dans chacun de ces cas, le logement n’est pas réquisitionnable.

De plus, la loi contre les exclusions votée en 1998, a rendu le dispositif de 1945-1948 encore plus obsolète qu’il ne l’était déjà.

Seuls peuvent être réquisitionnés des immeubles de logements vides qui appartiennent à des personnes morales (banques, entreprises, assurances, institutions, etc.), qui sont vacants depuis plus de dix-huit mois et sont situés dans les communes où existent d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande de logements”, nous apprend le site de la préfecture de Haute-Garonne (non mis à jour depuis juin 2013).

Ce nouveau dispositif ne prévoit pas la réquisition de bâtiments appartenant à des particuliers.

Politique volontariste ou poudre aux yeux ?

En 2012, Cécile Duflot, alors ministre du Logement, s’était donné pour objectif de remettre sur le marché au moins la moitié des 2,5 à 3,5 millions de logements vacants recensés sur le territoire. Notamment en augmentant la taxe sur les logements vacants, créée par la loi de 1998. Depuis le 1er janvier 2013, le montant d’imposition s’élève à 12,5 % de la valeur locative, c’est-à-dire le prix auquel le bien aurait pu être loué sur le marché, la première année d’imposition, et à 25 % à compter de la deuxième année. Avant, le taux était de 10 % pour la première année d’imposition, de 12,5 % la deuxième année et de 15 % à compter de la troisième année.

La taxe sur les logements vacants doit donc être payée pour un logement vide de meuble et inhabité, sauf s’il s’agit d’une résidence secondaire ou s’il est vacant indépendamment de la volonté du propriétaire (par exemple si le propriétaire n’a pas trouvé de locataire), ou sauf s’il est occupé plus de 90 jours de suite au cours d’une année. Par ailleurs, cette taxe concerne les logements vacants situés dans certaines agglomérations de plus de 50 000 habitants où il existe des difficultés d’accès au logement.

En parallèle, Cécile Duflot avait demandé fin 2012 aux bonnes volontés de signaler aux préfectures les logements vacants (appartenant aux pouvoirs publics et entreprises privées) dont ils auraient connaissance.

« Il est certain qu’il existe aujourd’hui du patrimoine – des anciens logements d’instituteurs, anciens bâtiments d’habitation de ministères ou de grandes entreprises – qui sont inoccupés et peuvent être mis à disposition », avait-t-elle déclarée le 27 décembre à Mérignac, rapporte Le Monde.

La ministre avait ainsi demandé aux préfets de régions d’être rapidement en mesure de procéder à des réquisitions.

Mais un an après, aucun bâtiment n’avait été réquisitionné et une poignée de procédures étaient en cours en décembre 2013, avait pointé Libération. Le cabinet de Cécile Duflot avait alors expliqué au quotidien que “l’effet dissuasif” avait fonctionné puisqu’une partie des logements avait été remise sur le marché, selon le cabinet. Les chiffres de l’Insee semblent pourtant attester du contraire, puisqu’ils montrent une croissance régulière du nombre de logements vacants depuis 2005.

Amélie Caralp et Marie Desrumaux.

Crédit : Pistolero31/Flickr