Le mardi 26 janvier au matin, le cinéma d’art et essai Utopia a été une nouvelle fois vandalisé. Des affiches au caractère haineux ont été placardées sur les murs, et les serrures ont été condamnées. Les réparations nécessaires sont estimées à plus de quatre mille euros.
En cette fin de mois de janvier, les passants de la rue Montardy ont découvert des affiches pour le moins douteuses, collées sur la devanture du cinéma Utopia. « BDS, Merah, Utopia, même combat », pouvait-on lire en lettres capitales. Cette action a suivi l’organisation d’une soirée-débat par des associations pro-palestiniennes, prévue dans le cadre d’une campagne de soutien aux réfugiés palestiniens. Il était ici question de discuter de la possible libération de Georges Ibrahim Abdallah, Libanais condamné à perpétuité pour terrorisme – pour sa résistance à l’occupation Israélienne du Liban selon les organisateurs – emprisonné à Lannemezan depuis trente-deux ans. Le débat suivait une projection du documentaire Après la guerre c’est toujours la guerre de Samir Abdallah, qui a suivi de près Georges Ibrahim Abdallah pendant les années 1980.
Ce n’est pas la première fois qu’Utopia fait l’objet de telles attaques. « On a souvent été agressés verbalement, il y a eu de petites manifestations devant Utopia, on a dû faire face à de la diffamation, des insultes », avoue avec lassitude Anne-Marie Faucon, la fondatrice et directrice du réseau Utopia. « On avait même fait un procès au Figaro et à Yann Moix, qui traitait Utopia d’antisémites… procès qu’on a gagné » affirme-t-elle avec aplomb. En 2009, le chroniqueur avait écrit un billet en réponse à la critique du film d’Elia Suleiman, Le Temps qu’il reste, publiée dans la gazette hebdomadaire d’Utopia. Moix, hostile aux choix de programmation du réseau indépendant, l’avait assimilé au « visage nouveau de l’antisémitisme contemporain », l’accusant de « vouloir en finir avec tout ce qui est juif dans l’économie du monde ».
Des attaques de toute part
En outre, le cinéma Utopia semble être attaqué des deux côtés : en 2014, quelques jours avant la venue de Dieudonné à Toulouse, des tags antisémites – à savoir des croix gammées, des croix celtiques et des sigles de l’OAS tracés à la bombe de peinture – avaient été découverts sur les murs du complexe. Le Premier ministre Manuel Valls avait évoqué des actes « lâches et insoutenables […] qui ne peuvent que nous révulser ». L’ancien maire socialiste Pierre Cohen avait quant à lui affirmé qu’il était primordial « de ne pas laisser s’installer ce climat délétère aux relents des années noires ».
Difficile, dans ce contexte, de trouver une quelconque logique à ce type d’agressions, qui semblent aujourd’hui se banaliser dangereusement. Dans les deux cas néanmoins, le facteur déclencheur semble être une méconnaissance crasse de l’esprit d’Utopia, ouvert à toutes les cultures, éclectique et altermondialiste. À un mois de la sortie de This is my land, documentaire français, israélien, palestinien et polonais sur l’enseignement de l’histoire dans les écoles d’Israël et de Palestine – dont la projection est prévue dans toutes les salles du réseau Utopia – on peut s’attendre à de nouveaux débordements. Le film d’une heure et demie, qui donne la parole à des enseignants et à des enfants israéliens et palestiniens, risque fort de faire parler de lui, dans un contexte actuel de défiance généralisée.