Le 31 janvier, le couperet tombe : « L’édition 2014 du Crit n’aura pas lieu », annonce l’AssoCrit 2014 rennaise via son compte Facebook. Les inconditionnels du Crit peinent à y croire. Retour sur l’histoire récente de l’événement.
Pas de Crit cette année alors que « tout était prêt », selon Laura, la présidente de l’AssoCrit rennaise, en charge de l’organisation du Crit 2014. Que s’est-il passé ?
« La Mairie de Rennes n’a pas apporté son soutien et s’est réservée le droit d’annuler l’événement. On avait envie de mener ce projet jusqu’au bout mais il nous était impossible de continuer sans ce soutien.»
En effet, l’AssoCrit devait bientôt verser près de 50 000€ d’arrhes pour la réservation des hôtels. Une somme difficile à débourser lorsque l’on n’a pas la garantie de la tenue de l’événement. Pour justifier ce non-soutien, la Mairie a invoqué « les problèmes potentiels de sécurité », malgré les précautions prises par l’AssoCrit, notamment la suppression de la traditionnelle soirée en ville.
Le Crit s’affirme à Paris
Lors de son édition de 2011, le Crit s’exporte dans la capitale. A cette occasion, il atteint la barre des 3 000 participants, un record. Selon plusieurs participants de cette édition qui n’en étaient pas à leur premier Crit, « jamais le Crit n’avait pris une telle ampleur ». Une tendance confirmée dans la « Déclaration conjointe de tous les BDS et de l’association Crit 2011 sur la bonne tenue du Crit à Paris et son avenir », qui s’ouvre sur ces lignes explicites : « En quelques années, l’événement unique qu’est le Crit a beaucoup changé, et a vu notamment le nombre de participants augmenter de façon radicale mais aussi certaines dérives qui ont pu remettre en cause l’organisation du Crit dans le futur .»« Avenir », « futur »… les termes sont déjà évoqués, les questions sont posées.
De l’annulation de Lille en 2012 au « Grand Crit Classé »
La réponse apportée dès l’année suivante par Lille est négative. Censés héberger l’édition 2012, les nordistes sont contraints de refuser : en pleine campagne pour les primaires socialistes, Martine Aubry ne veut pas du Crit sur ses terres. Courageusement, malgré le peu de temps dont ils disposent, les Aixois reprennent le flambeau et sont les hôtes du Crit en 2012. Mais pour assurer son bon déroulement et sa pérennité désormais fragile, la manifestation doit être réformée : on limite le nombre de participants à 250 par délégation, on supprime certains sports jugés peu fédérateurs (danse et badminton). Sous cette forme allégée, « l’Apéricrit » est une réussite et fait taire les critiques.
A Bordeaux en 2013, peu de dégâts sont à signaler : « Dès le début, notre projet a été accompagné par les autorités publiques (police, mairie, préfecture…). Après le Crit, aucun de ces acteurs officiels ne s’est plaint », affirme Quentin Laurens, président du comité organisateur du « Grand Crit Classé ». La bonne tenue du Crit 2013 a même été saluée par le maire de Bordeaux, Alain Juppé, dans une lettre adressée à la direction de l’IEP de Bordeaux, le 22 avril 2013 : «Je suis heureux aussi de constater que le Critérium inter-IEP s’est déroulé dans de bonnes conditions, la ville contribuant à ce succès en mettant à disposition ses équipements sportifs.»Pourtant, l’obélisque place de la Victoire a été tagué, et plusieurs participants de la délégation toulousaine sont à ce jour interdits de Crit à cause de leur comportement déplacé. « Cela va à l’encontre de l’esprit du Crit », témoigne Philippe Raimbault, directeur de Sciences Po Toulouse.
Le tournant : la réunion des directeurs du concours commun
Après « Le Grand Crit Classé », les directeurs des six IEP du concours commun se réunissent lors d’une de leur réunion mensuelle, et abordent ce sujet sensible qu’est le Crit. Une mesure lourde de conséquence est prise : cette année, le Crit ne comptera pas avec le soutien de ces six directeurs. L’image de Sciences Po ne peut être entachée par les débordements de certains de ses étudiants. Dès lors, même si ce manque de soutien n’est pas synonyme d’interdiction, « comment porter un projet devant la Mairie alors même que l’administration de ton établissement scolaire ne te soutient pas ? », s’interroge Laura, présidente de l’AssoCrit 2014.
En outre, le Crit est exposé à la médiatisation et cette nouvelle ne manque pas de lui donner une mauvaise image dans la presse : plusieurs journaux s’empareront du sujet (Le Figaro, Ouest-France, 20minutes…). Le résultat de cette équation, c’est son annulation en 2014.
Et à l’avenir ?
Le Crit à Grenoble en 2015 devrait avoir lieu : il a le soutien de l’administration de l’IEP de Grenoble. Mais l’épisode rennais est-il une simple parenthèse dans l’histoire du Crit ? Ou a-t-il vocation à n’être accueilli que par les trois IEP dont le directeur le soutient (Paris, Bordeaux et Grenoble) ?
Pour Philippe Raimbault, le non-soutien des six directeurs du concours commun n’est « pas une décision irrévocable ». Quant à elle, la présidente de l’AssoCrit rennaise est catégorique : « Rennes doit rester un cas d’école. Nous n’avons pas eu assez de temps pour réformer le Crit et engager des discussions de fond avec les directeurs pour réfléchir à la tenue d’un Crit modifié. »Il va donc falloir réunir directeurs et étudiants autour de la table afin de réfléchir aux conditions dans lesquelles le Crit serait réalisable. Les futurs organisateurs sont prévenus.
Le Crit, c’est quoi ?
Le Critérium inter-IEP est, pour beaucoup d’étudiants à Sciences Po, l’événement phare de l’année dans la vie de l’école. Organisé chaque année dans une des neuf villes qui compte un IEP, le Crit est une compétition sportive et festive qui se déroule sur trois jours. Une compétition qui réunit entre 2000 et 3000 étudiants venant des quatre coins de la France. Un Crit est un événement qui se prépare pendant un an, dès la fin du Crit précédent, et son organisation est dédiée à une association créée exclusivement dans cet objectif : « l’AssoCrit ». Malheureusement, quelques débordements ont lieu chaque année et ternissent sa réputation.
La phrase :
Jean-Louis Guy, professeur à Sciences Po Toulouse, soutien actif de la mise en place du Crit et toujours présent à l’événement constate: « Un directeur de l’IEP de Rennes a disputé des matchs de foot plusieurs années avec ses étudiants ». Les choses ont bien changé.