Que veut dire latino ? Est-ce un mot cliché ? Fourre-tout ? Qui est « le latino » ? Pour tenter de percer le mystère, nous avons fait le choix d’en suivre un, Alvaro, dans différents lieux supposément « latino » de la ville pour qu’il nous raconte sa perception de la ville et de la vie ici

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Que veut-dire ce satané mot « latino » ? En espagnol ou en latin, il désigne…ce qui est latin. Et pour nous, Français, avides de clichés que l’on colporte avec délices : des gens à la peau mate, qui susurrent en espagnol ou en brésilien (langue qui n’existe pas) et qui ont le sang chaud comme la braise. Si tout cela n’est pas forcément qu’un grotesque cliché, « latino » voudrait donc dire, au sens populaire, les gens qui viennent de la lointaine Amérique Latine. Du Mexique, situé en Amérique du Nord, à la Patagonie en passant par le Brésil et les pays hispanophones voisins, le terme désignerait donc tous ces peuples, et aurait valeur de diminutif affectueux – ou pas.

Comme nous n’avons jamais prétendu à l’exhaustivité au cours de cet article, nous avons trouvé un « latino » qui représente l’exact opposé de ce que l’on pourrait s’imaginer au premier abord, c’est à dire un étudiant qui serait ravi par la France et la ville rose, et ferait la fête comme un fou. Et qui, bien sûr, repartirait enchanté par son expérience toulousaine. Il est temps de passer outre ce douteux mélange de bonne conscience et de platitude redondante.

Un mojito, puis deux, puis quelques pas de danse. Il est deux heures du matin, et nous sommes dans l’antre chic de la salsa toulousaine : le Puerto Habana. Ici, les gens viennent pour danser, au rythme de la timba cubaine ou bien du commercial reggaeton. Nous retrouvons Alvaro, posté près d’une table, les yeux rivés sur la piste. Alvaro a 32 ans, il est Péruvien, vient de la grande Lima et habite à Toulouse depuis maintenant cinq ans. Architecte de formation, avec un diplôme péruvien et un diplôme français, il n’est pas de celui qui vous dira qu’il fait bon vivre au pays de la baguette.

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En le voyant danser la salsa, les baskets endiablées par le rythme donné par la « clave » [NDLR – percussion typique de la salsa], on se dit qu’en tant que « latino » qui se respecte il a la salsa dans la peau. Il nous confie avec humour : « la salsa, c’est bien un atout pour séduire, ça favorise en tout cas le rapprochement et la rencontre ». Mais cela ne veut pas dire que tous les « latinos » aiment danser. Ou qu’ils le fassent bien. Mais, en règle générale, ils le font mieux que nous [les Français et les Européens] ! Un des arguments, arbitrairement choisi que l’on peut invoquer est le rapport au corps. Regardez ces petits enfants argentins déjà mus par la passion du mouvement.

On ne peut pas dire que cette cumbia soit particulièrement fine (cf les paroles). Elle a pourtant fait un tabac au pays du gaucho.

Assis sur une chaise du restaurant argentin « Caminito », Alvaro mastique une « empanada » en nous racontant sa désillusion au fur et à mesure qu’il commence à connaître les Français. « Au début j’ai essayé de m’intégrer à la société française et de connaître, mais comme les gens s’en fichent, je suis resté dans ce que je connaissais. Après, heureusement, le hasard me fait découvrir de nouvelles choses ». Admis à l’Ecole d’Architecture de Toulouse, il confie, en parlant des comparses de son école, avoir rarement eu affaire à des gens aussi hermétiques et peu aimables : « Tu as étudié pendant une ou deux années avec eux, dans la même classe, et quand tu les croises dans la rue, ils ne te saluent même pas ».

Notre interviewé, que l’on a suivi le long de ses pérégrinations dans la ville de brique et de broc, est, il faut le dire, un joyeux cocktail explosif entre un être super sociable et un antisocial à l’humour mordant. Tout en sirotant une Quilmes, une bière d’Argentine, il commence à concéder quelques attraits à la ville rose, notamment au niveau architectural, en les comparant, non sans malice, à ses deux ennemis jurés. « A Toulouse, les distances sont courtes, c’est agréable parce que tout est à proximité. Et comme la ville a un tracé médiéval, les rues sont plus étroites, tu te sens plus contenu dans l’espace, plus protégé. A Paris, les grands boulevards haussmanniens empêchent d’éprouver cette sensation. Du coup tu te sens perdu ». Et de renchérir, « la couleur de la brique rend la ville plus chaleureuse, pas comme les bâtiments de Bordeaux ». Les « lamas bordelais » n’auront qu’à venir à Toulouse se réchauffer, au son d’un concert empli de cumbia du festival Cinélatino, autre événement dédié aux latins outre-Atlantique, incontournable…

Et puis fin de semaine oblige, rendez-vous à l’ « El Dorado », lieu de musique « latino » plus populaire que l’autre discothèque citée. Les murs sont tapissés de dessins symbolisant des icônes du monde latino-américain de la musique, avec ce portrait de Celia Cruz, « la reina de la salsa » ou du foot, avec Valderrama, célèbre joueur colombien surnommé el pibe [NDLR, le gosse], à la chevelure extravagante. D’ailleurs, El Dorado organise chaque année, un tournoi de foot « latino », la « Copa El Dorado » où viennent s’affronter sur un terrain bétonné les quelques dizaines d’habitués du lieu pour se remémorer leurs équipes ou leur passion pour ce sport, quasi religion et « véritable art » comme nous le confirme Alvaro.

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Tout en se faufilant sur les pavés de la rue Saint-Rome, Alvaro réfléchit et ajoute : « Il n’y a pas une semaine où je ne fait pas quelque chose en relation avec le côté latino »…Comme quoi Toulouse n’est pas si inhospitalière qu’il peut le dire…