Jean-Louis Nadal, ancien procureur général de la Cour de Cassation, présentait à Sciences Po le 25 janvier dernier une conférence intitulée « Justice et pouvoir ». Une occasion de plus pour « le rebelle de la magistrature » de dénoncer l’instrumentalisation de la justice par nos politiques.

En janvier 2011, le premier proc’ de France sortait de son devoir de réserve en dénonçant « le mépris de l’exécutif pour la justice ». Si pour lui « de tout temps, la justice a été brocardée », l’évolution ne va pas dans le bon sens. L’heure est grave.
Maintenant à la retraite, la parole libre, il était de retour dans l’Institut qui l’a formé pour se demander si l’autorité judiciaire ne pouvait pas prétendre au statut de pouvoir.
L’ancien pape (surnom donné aux procureurs de la Cour de Cassation) est alors revenu sur l’histoire du ministère public (ou parquet). 1958, 1970, 2002, depuis le début de la Ve république, des réformes successives ont permis de renforcer son indépendance vis-à-vis du pouvoir.

Jean-Louis Nadal en amphi Jaurès à l'I.E.P

Une justice menacée

Malgré les garde-fous, pour les politiques, la tentation d’intervenir est grande. Dénonciation du laxisme des juges de Bobigny et de Nantes lors de faits divers, condamnation d’un juge qui avait prononcé une peine trop légère pour un récidiviste… Les politiques interviennent sans cesse dans les affaires, pire, ils limitent la marge du juge. Les peines plancher et la diminution du nombre d’affaires complexes confiées au juge d’instruction en témoignent.
Jean-Louis Nadal plaide pour une entière révision des processus de nomination. Plus généralement, il revendique une réforme copernicienne de la justice. L’ancien sous-directeur de l’Ecole nationale de la Magistrature insiste sur l’importance de la formation et martèle sa conférence d’exemples de juges qui ferment les yeux sur certaines affaires (comme celle des « biens mal acquis » des présidents africains par exemple).
Jean-Louis Nadal n’est pas pessimiste et ne croit pas en l’existence d’un gouvernement des juges. Il l’explique, en matière de justice, les symboles sont très importants. Et là, la justice a le pouvoir.