revalorisationboursesetudiantes_613.jpg

Trop « riche » aux yeux de l’État pour obtenir une bourse, mais pas assez pour ne pas connaître des fins de mois difficiles, retour sur la galère de la classe moyenne estudiantine qui croît chaque jour.

33 100 euros par foyer fiscal. Voilà la limite à ne pas franchir pour être boursier. Un seuil relevé de 3,2 % en 2008 par le gouvernement dont l’objectif était le financement de 50 000 bourses supplémentaires pour « promouvoir l’égalité des chances ». Le but est-il atteint ? Si aujourd’hui 560 000 étudiants perçoivent une aide de l’État, le compte n’y est toujours pas pour l’UNEF qui dénonce les errements du ministère de l’Enseignement supérieur.

Premier problème pointé : le système d’attribution à deux vitesses des bourses universitaires dont les principales victimes sont les étudiants qui ne peuvent bénéficier d’aucunes aides sinon du seul bon-vouloir de la maisonnée. Rupture familiale, licenciement de l’un des deux parents, ressources du foyer dirigées vers un autre membre de la fratrie, autant de raisons qui accentuent la précarité dans laquelle vivent ces étudiants.

À une époque où la droite gouvernementale essaye vaille que vaille de réhabiliter la solidarité intergénérationnelle, tandis que la gauche fait les yeux doux à la politique du Care, ces étudiants payent les pots cassés d’un système où l’équité prend le pas sur l’égalité.


Circulez, il n’y a rien à voir !

La crise de 2008 a aggravé les difficultés des étudiants non boursiers. Si face à l’augmentation des dépenses structurelles, les boursiers peuvent compter sur un coup de pouce du gouvernement – revalorisation du montant des aides distribuées, création d’un 10e mois de bourse –, la classe moyenne estudiantine, elle, est laissée de côté.

Entre l’augmentation des frais d’inscription de 2,4 % l’accroissement de 1 % du montant de la cotisation à la sécurité sociale étudiante, la nouvelle taxation du ticket de restauration universitaire et bien entendu, la montée en flèche du prix des locations, le coût de la rentrée universitaire explose. Cette année, l’addition a grimpé de près de 3,3 % d’après les chiffres de l’UNEF.

Pressurés d’un côté, saignés de l’autre, ces étudiants « trop riches pour être boursiers, mais trop pauvres pour être riches » voient bien souvent dans le système D leur seule échappatoire. « Heureusement que mes parents m’aident à payer toutes mes factures, sinon je n’y arriverai pas. Pour autant ce n’est pas la panacée puisque je dois quand même faire attention à mes postes de dépense. […] Je suis à l’affût du moindre bon plan. » avoue Charles, aspirant cadre dans l’administration locale. Les bons plans justement (voir par ailleurs) : en période de crise, beaucoup d’étudiants n’ont que ces mots à la bouche.

AMAP, friperies, soirées gratuites, il n’y a pas de petites économies. Entre notre futur fonctionnaire qui admet « faire [s]es courses à Lidl par nécessité », et Lana, étudiante en relations internationales privilégiant quant à elle : « les soirées chez [elle] beaucoup moins onéreuses que les sorties en ville », le constat est sans appel. Lorsqu’ils se trouvent du mauvais côté de la fiche d’imposition, beaucoup sont obligés de travailler, histoire de mettre du beurre dans les épinards. Quand épinards il y a…

Boursiers : privilégiés ?

De là à penser que les boursiers sont des privilégiés, il n’y a qu’un pas que certains osent franchir. « Je me dis parfois que les boursiers ont plus de chance que moi. Regardez ma situation : je viens d’avoir un enfant et n’ai aucune aide de l’État car tant que je ne suis pas mariée je reste sous le régime de mes parents. C’est insensé ! Je suis donc obligée de travailler en plus de mon rôle de mère et d’étudiante » s’emporte Sandra, en 3e année de droit à Lyon.

Un sentiment de délaissement partagé par beaucoup. « La coupure est trop nette entre boursiers et non-boursiers. Il n’y a qu’à voir les usines à gaz que sont les chambres universitaires. Sans statut de boursier, tu as peu de chance de voir ton dossier reçu. […] C’est pourquoi je me suis mise en colocation », déplore Lana. Bien qu’il soit tentant de reprendre à leur compte la fameuse rengaine « ce sont toujours les classes moyennes qui payent », ces étudiants évitent pourtant de se lamenter: « Nous ne sommes pas les plus à plaindre, même si parfois on doit se serrer la ceinture. », résume Sandra mi-étudiante mi-maman. Au pathos donc, ils privilégient les pâtes en fin de mois.

Conscient de cette situation, le gouvernement essaye d’endiguer à coups de mesures le déclassement d’une partie de ces 1 800 000 étudiants privés de bourse. Depuis 2008 ont ainsi été créés les prêts étudiants à taux zéro, un Fond National d’Aide d’Urgence piloté par le Crous ou encore un système étendu d’exonération de frais de scolarité. Encore inconnus du grand public et véritables casse-têtes administratifs, ces mécanismes tardent pour l’heure à porter leurs fruits.

Bref, la précarité estudiantine est loin d’être éradiquée. De quoi faire perdre son sang-froid à notre future juriste : « Ce système marche sur la tête car il aide ceux qui n’ont pas forcément besoin de l’être au lieu de procéder au cas par cas. Malgré les réformes, une chose est sûre : nous, on n’a pas fini de galérer ». Un hasard si les étudiants constituent le noyau dur des Indignés de France ?