Cousin du skateboard, le longskate s’adresse aux aficionados de la glisse pure. Carving, cruising, downhill : ces planches à roulettes, pouvant atteindre deux mètres de long recouvrent un large panel d’usages. L’association toulousaine LSK, qui organise l’emblématique descente de la D35, fédère aussi bien un public familial que des têtes brûlées.
N’allez pas dire aux adeptes du longskate que celui-ci n’est finalement qu’un skateboard : « c’est comme dire qu’un 4X4 et une Formule 1 c’est la même chose, parce qu’il y a quatre roues et un moteur », avertit Thomas, vendeur de longskates à la boutique Pierre qui Roule. Descendant du skateboard, lui-même né en Californie à la fin des années 1970, le longskate attire les amateurs de la glisse pure et les fondus de vitesse. Alors que le skate se focalisait sur le côté spectaculaire des acrobaties aériennes, réalisées sur des planches courtes, le longskate rallonge les planches, utilise des roulements plus performants et des roulettes plus larges.
Moyen de transport ou bolide de course
Les mutations ne s’arrêtent pas là : aujourd’hui, le terme longskate -ou longboard- recouvre une grande variété d’engins et de pratiques, des planches de toutes tailles, aux formes parfois alambiquées. Certains y voient un ustensile de promenade urbaine (« cruising »), d’autres un moyen d’atteindre des vitesses supérieures à 100 km /h dans des cols de montagne (« downhill »), d’autres encore vont valoriser les acrobaties (« dancing », « boardwalking », « slide »). Le design des planches répond à ces usages différenciés. Ainsi, une planche de cruising dépasse rarement 1,20 mètres et peut disposer d’un « tail » et d’un « nose » pour franchir les trottoirs, alors que les bolides de downhill sont beaucoup plus rigides, lourdes et longues pour apporter de la stabilité à grande vitesse.
Paul, 21 ans, est plutôt branché dancing : « ça reprend pas mal les figures de skateboard des années 1970, comme le boneless ou le manual [rouler en équilibre sur les roues arrière ou avant de la planche, ndlr]. On rajoute des éléments spécifiques au longskate, comme le boardwalking [marcher sur la planche tout en roulant, ndlr] ». Pour Thomas, de plus en plus de personnes entrant dans sa boutique recherchent un mode de déplacement : « ca évite les embouteillages et il suffit d’une planche et d’une paire de baskets », justifie-t-il.
LSK, centre de gravité du longskate toulousain
L’association LSK porte sa part de responsabilité dans l’implantation du longskate à Toulouse. Dès 1998, Ben, Ghis’ et d’autres pionniers, généralement passionnés de surf et de snowboard, se retrouvent à arpenter le bitume de l’agglomération sur ces engins encore nouveaux. Rapidement, ils organisent des sessions hebdomadaires à Auzeville, des « summer sessions » en montagne et un festival annuel à Villemur-sur-Tarn pendant trois années consécutives. Contraints d’abandonner cet événement par la mairie, qui n’apprécie pas son parfum de free party, ils lancent alors le « projet D35 ». Il s’agit d’obtenir la fermeture à la circulation d’une portion de la route départementale 35 afin de laisser champ libre aux riders. Avec l’appui de la mairie d’Aureville, les riders inaugurent la D35 en 2006.
« On faisait 5 ou 6 descentes par an. On avait beaucoup de monde, plus de 100 personnes les dernières années, certaines venues exprès d’Espagne », raconte Stephane, l’un des instigateurs du projet. Novices et experts, bardés de protections et de casques de moto, pouvaient ainsi dévaler la pente sécurisée par des ballots de paille et des observateurs, avant d’être remontés en camion. Ce joyeux rendez-vous où se côtoyaient toutes sortes d’engins-dont des streetluges, planches à roulettes sur lesquelles on descend allongé-, a été mis en suspens, les trentenaires de LSK ayant à s’occuper d’un emploi et d’une famille.
Malgré cela, les sessions hebdomadaires en route ouverte dans le secteur de Limayrac, à l’Union ou encore place de l’Europe, ainsi que les virées en montagne du weekend, rassemblent toujours un noyau dur. « Il y a le longboard mais il y a aussi tout l’état d’esprit », affirme Stéphane. Un championnat de France existe, mais ne l’attire pas : « On n’est pas là pour se tirer la bourre. Dès qu’on rencontre des riders d’autres villes, il y a de suite une bonne ambiance, ça rapproche ». Ce n’est pas Ben, 34 ans, qui va le contredire : « Ma femme, je l’ai rencontrée sur une planche !», rigole ce membre fondateur de LSK.
Parkings, «catch voiture»… un sport politiquement correct ?
Skateurs reconvertis ou personnes en quête de déplacement alternatif, le public du longskate est large : « ça va de 7 à 77 ans », résume Thomas, le vendeur de longskates. Alexandra, 35 ans, l’élément féminin de la team LSK confirme : « pour avoir traîné avec des skateurs, le longskate est plus familial. C’est aussi moins sectaire : il y a des cadres, des ouvriers, des étudiants, des gens rangés qui peuvent péter un câble sur la planche. Et il y a toujours deux ou trois filles ! ». Pour Paul, ce sport a une image plus « politiquement correcte » que le skate : « ça fait moins de bruit, ça abime moins le mobilier urbain, c’est plus formel…Par rapport aux autorités, le longskate passe mieux », tranche-t-il.
Une planche familiale finalement pas si extrême ? Tout dépend de ce qu’on fait dessus. Certains pratiques, justement moins formelles, sont très prisées des riders aventureux. Les autorités deviennent alors une question centrale : « Il faut trouver un endroit praticable d’où on ne se fait pas virer rapidement. Dans les parkings souterrains il faut être encore plus discret », sourit Paul à l’évocation de ces lieux insolites. Les membres de LSK n’y sont eux-mêmes pas étrangers : « Ghis’ s’est fait virer par Marie-Jo, la gardienne du parking des Carmes ! », plaisantent les compères.
Une autre lettre de noblesse de LSK: « le spot opéra », autrement dit les arches du pont Saint-Michel, qui forment une rampe. Ils y ont accédé en bateau gonflable et n’ont pas hésité à couler du béton dans les joints de dilatation pour lisser la surface. Ghis’ raconte aussi qu’il lui arrive de pratiquer le « catch voitures », consistant à se faire tracter par une automobile, mais déconseille cette activité : « on ne voit pas les trous dans la chaussée».
La blessure arrive rarement sur route fermée comme la D35, mais peut s’avérer sérieuse si la sécurité est négligée. Ghis’ reconnaît apprécier de dévaler la pente de Jolimont vers la médiathèque Cabanis « après la fermeture des bars ». Il s’est fait peur à plusieurs reprises: « j’ai souvent eu de la chance. Une fois, je suis carrément passé par-dessus une voiture à pleine vitesse ». D’autres ont pu subir des chocs plus graves, comme ce rider dont le crâne avait avait percuté un trottoir près d’Auzeville. « 60 ou 70 km/h, ça paraît peu, mais quand tu te vautres, tu le sens » souligne Ghis’.
Quelque soit l’usage qu’on en fait, le longskate est bel est bien intégré au monde des sports de glisse: « En 2010, il y a eu 40% d’augmentation des ventes de longskate dans le monde », analyse Paul. Un succès qui ne manque pas d’inspirer le jeune homme: il s’est récemment lancé dans la fabrication de ses propres planches.
Pour plus d’informations sur le longskate à Toulouse : [->http://www.lsk8.org/]