Le tribunal correctionnel et le procureur de la République ont été clairs: les victimes seront au cœur du procès AZF. Pour celles-ci, l’objectif principal reste le même: connaître la vérité sur l’explosion qui a soufflé l’usine toulousaine et une partie de la ville le 21 septembre 2001.
A catastrophe exceptionnelle, moyens exceptionnels. Les investigations et expertises constituant le dossier AZF ont été d’une ampleur peu commune et ont duré sept ans. Les conclusions rendues seront au cœur des débats pour déterminer les responsabilités et tenter d’établir la vérité. Bien que la version officielle soit celle d’une explosion résultant du mélange accidental de nitrate d’ammonium et d’une substance chlorée dans le hangar 221, certains n’y croient pas et crient au scandale.
Des éléments ignorés par l’enquête ?
Des thèses alternatives à celle de l’accident chimique circulent, parfois relayées par les médias (1) ou certaines associations, comme « AZF-mémoire et solidarité » (2) qui regroupe d’anciens salariés de l’usine. Ils étayent leur argumentation par plusieurs éléments : tout d’abord, l’empressement des pouvoirs publics à privilégier la thèse de l’accident; le procureur de la République de l’époque déclarait le 24 septembre 2001 qu’il s’agissait « à 99% » d’un accident.
L’association « AZF-mémoire et solidarité » avance d’autres faits : selon elle, une première explosion aurait été entendue et enregistrée juste avant celle qui a eu lieu dans le hangar 221. De même, les membres de l’association assurent que plusieurs aéronefs auraient été aperçus survolant la zone au moment de l’explosion sans que leurs pilotes aient été recherchés par la suite. D’autres phénomènes physiques (éclairs, boule de feu, etc.) seraient également survenus. La piste d’un attentat islamiste fut également évoquée immédiatement, du fait de la proximité des attaques terroristes qui avaient frappé le World Trade Center dix jours auparavant. Par ailleurs, des expériences chimiques pratiquées en laboratoire auraient démontré l’impossibilité matérielle qu’une explosion telle que celle invoquée dans les expertises officielles ait pu se produire.
Même si l’objectif avoué de « AZF-mémoire et solidarité » est de « récuser la mise en cause d’installations ou d’organisation de travail » et de redorer l’image de leur usine, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur ces accusations.
Un acte criminel ?
Le journaliste du « Figaro » Marc Mennessier a publié un ouvrage: « AZF, un silence d’Etat » (Seuil) pour lequel il a enquêté avec la journaliste de « l’Express » Anne-Marie Casteret. Les deux reporters y reprennent toutes les incohérences relevées au cours de leurs investigations, des reconstitutions hasardeuses, des coïncidences troublantes (employés aux accointances islamistes, etc.). Pour eux, la thèse de l’accident ne tient pas ; ils vont même plus loin et relancent, démonstrationà l’appui, la possibilité d’un acte criminel.
Interrogé sur le sujet, Frédéric Arrou, président de « l’association des sinistrés du 21 septembre 2001 »(3) coupe court et évoque des « polars, [des] affabulations » concernant ces thèses parallèles. Pour lui, il ne s’agit même pas de parler de thèses, mais uniquement des conclusions rendues par les experts. « On ne change pas d’avis tous les sept ans », tranche-t-il.
Malgré les investigations parallèles et l’énergie déployées par ceux qui ne veulent pas se contenter des explications officielles, il y a fort à parier que leurs thèses ne seront pas ou peu évoquées, les parties civiles étant elles-mêmes divisées sur le sujet. Le procès AZF se veut celui de la vérité, il pourrait être celui des doutes éternels.
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(1)« Charlie-Hebdo », édition du 20 septembre 2006; Marc Mennessier, « AZF: un silence d’Etat », (Seuil); Franck Heriot et Jean-Christian Tirat, « AZF: l’enquête assassinée », (Plon), entre autres.