les_vivants_et_les_ombres.jpg De la fin du 18ème siècle au début du 20ème, Diane Meur nous embarque dans une saga dont le conteur est… la propriété familiale! Car seule la majestueuse demeure est témoin de la sphère privée des Zemka Ponarski sur plus de cent ans. Au fin fond de la Galicie, obscure région issue du démembrement de la Pologne, où vivent Ruthènes, Polonais et juifs slaves, une famille de la noblesse polonaise fait la pluie et le beau temps de ses serfs. Tout commence lorsque Joseph Zemka regagne la propriété familiale tombée aux mains des Von Klotz. Embauché comme régisseur, il épouse la jeune et rêveuse fille du maître, Clara, qu’il a sans vergogne séduite et mise enceinte. De cette union malheureuse naîtront 5 filles dont on suivra fébrilement les destinées au gré des saisons, des événements politiques qui secouent cette partie de l’est de l’Europe et de l’évolution économique et industrielle. Petits et grands secrets nous seront dévoilés par cette aristocratique maison sans scrupule et sans pudeur, qui fouine dans tous les recoins à l’affût des histoires, des fortunes, des sentiments. On pourrait raconter la tragédie de la belle Maria, l’aînée, qui mourra avec son cousin et époux bien aimé quelque part dans l’empire ottoman. Celle de la revêche Urszula, la moins bien dotée par la nature, de Wioletta, rendue folle d’amour, ou de la dernière née Tessa, qui finira par s’enfuir. Mais on pourrait raconter aussi l’histoire des paysans soumis au bon vouloir de leurs maîtres, de l’antisémitisme ambiant, du succès et de la décadence de la sucrerie familiale, du vent de liberté qui souffle sur l’Europe, des rêves, du chemin de fer.
Dans une fresque de plus de 700 pages, Diane Meur nous entraîne dans un tourbillon historique sans longueur, dans une romance sensible et juste, où l’on retrouve les accents des grands auteurs russes qui ont bercé nos adolescences et que l’on croyait oubliés. Bravo à cette auteur pour l’œuvre grandiose qu’elle nous livre dans « les vivants et les ombres ».

Paru aux éditions Sabine Wespieser, 29 €

Valérie Ravinet