À l’heure où les marchés s’affolent, les économies vacillent, et les dettes des États du Vieux Continent continuent de grossir à vue d’œil, tous les regards se tournent vers la maison Europe. Face à la crise mondiale, les têtes pensantes de Bruxelles voient dans la future ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) leur salut, malgré quelques réticences çà et là. Alors l’Europe, pompier pyromane ou remède miracle ? Réponse avec le mouvement des Jeunes Européens de Toulouse.

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« L’Europe ! L’Europe ! L’Europe ! »… La plupart des chefs d’État et de gouvernement du Vieux Continent n’ont que ces mots à la bouche face au désarroi des peuples. Quelle ironie quand l’on sait qu’ils furent prononcés par le général De Gaulle pour railler l’europhilie ambiante chez les élites nationales ! Résultat, depuis 2007, l’exécutif européen s’est réuni des dizaines de fois, des réformes concernant l’architecture institutionnelle ont été amorcées, la BCE (Banque centrale européenne) a vu ses pouvoirs se renforcer, la discipline budgétaire imposée par Francfort s’est étendue… sans pour autant que la crise ne soit endiguée.

Qu’à cela ne tienne, alors que la maison Europe brûle, les États-membres ont décidé de regarder ailleurs, pour reprendre les bons mots d’un ancien président. Cet ailleurs, c’est l’Allemagne et son modèle économique basé sur la maîtrise budgétaire, à l’inverse des pays-cigales de l’Europe du Sud. Sous l’impulsion de la chancelière Angela Merkel et de l’ex-résident de l’Élysée, Nicolas Sarkozy, 25 membres – à l’exception notable du Royaume-Uni et de la République Tchèque – se sont accordés sur la mise en place du TSCG, lequel doit entrer en vigueur le 1er janvier 2013 suite à sa ratification par la totalité des membres de la zone euro.

TSCG = austérité ?

Thème majeur de la dernière campagne présidentielle, la politique européenne a tracé une ligne de rupture entre les candidats, stigmate de l’esprit de Maastricht. Entre les pro-Bruxelles, PS, UMP et partis centristes en tête, hérauts d’une intégration plus poussée, et les anciens nonistes représentés par les extrêmes qui dénoncent d’une voix « l’Europe ultra-libérale  », le débat fut âpre. Et le tout nouveau traité a cristallisé cette opposition comme le montrent les passes d’armes oratoires entre politiques quelques jours avant son examen au Palais Bourbon.

« Étant donné que ce traité a pour but premier de renforcer la discipline budgétaire, forcément certains partis grincent des dents. Beaucoup redoutent la mise en place d’une austérité généralisée  », explique Matthieu, membre actif des Jeunes Européens de Toulouse. Et à raison pour Adrien, autre adhérent du mouvement, même si le mot tabou n’est pas prononcé : « En imposant aux États-membres la votation d’une règle d’or qui fixe à 3 % du PIB le déficit maximal autorisé – 0,5% pour le déficit structurel – sous peine de sanctions économiques, c’est vrai qu’il peut y avoir quelques réticences. »

La position des Jeunes Européens dans tout ça ? « Nous n’en avons guère » rétorque son président avant de poursuivre : « De par son caractère transpartisan, l’association n’a pas vocation à défendre tel ou tel projet communautaire, seule la promotion de l’idéal européen nous importe. » Mais après quelques dizaines de minutes passées à échanger avec les différents membres du bureau, on comprend en filigrane qu’ils défendent plus ou moins à titre personnel la ratification du TSCG. Un choix peu surprenant pour ce groupe qui a pour toute doctrine politique la défense du « fédéralisme ». « Partisan de l’Europe des petits pas, je suis plutôt favorable à ce traité, qui constitue une solide réponse face à la crise  » assure Adrien. Même son de cloche chez un autre représentant du bureau, à ceci près qu’il met en question son efficacité : « Malgré l’ajout positif d’un volet de croissance (taxation des transactions financières, project bonds, augmentation des ressources de la BEI, ndlr) sous l’initiative de François Hollande à la première mouture du document, je suis plutôt réservé quant à l’efficacité d’un tel traité.  »

L’Europe sans les peuples ?

Une retenue qui trouve un écho favorable de l’extrême gauche aux Verts en passant par la branche la plus sociale du parti majoritaire sans oublier les souverainistes de droite, fustigeant en creux une Europe bien trop laxiste vis-à-vis du capitalisme financier. Loin de résoudre la crise endémique actuelle, tous s’accordent à dire que ce traité risquerait d’être le phamarkon – remède ou poison en grec, tiens, tiens ! – du malade Europe en lui infligeant une cure fatale d’austérité.

Plus grave encore pour les pourfendeurs nationaux du traité, le musellement du peuple. Echaudé par les précédents de 1992 et 2005, le gouvernement a, en effet, décidé d’écarter la voie référendaire au profit d’un examen parlementaire. Une décision qui donne du grain à moudre aux détracteurs d’une Europe technocratique. « Je ne crois pas que la tenue d’un référendum aurait été la meilleure décision. C’est un traité technique, obscur, complexe, qui plus est ne touchant guère à la souveraineté nationale – d’après l’avis du Conseil Constitutionnel –, il n’est pas anormal qu’il soit soumis au vote des parlementaires, d’autant qu’ils sont les représentants élus de la nation, argumente un jeune du mouvement, Les gens sont peu informés vis-à-vis du traité, une partie de la population aurait voté sans forcément avoir toutes les clés de compréhension. Ce travail d’information est aussi l’une des missions de notre association. »

Toujours est-il que malgré la grogne d’une partie des forces partisanes, et d’une large frange de la population [[http://www.lefigaro.fr/politique/2012/09/16/01002-20120916ARTFIG00197-vingt-ans-apres-maastricht-les-francais-doutent-toujours.php]] voyant en Bruxelles le bouc-émissaire idéal aux maux actuels, le TSCG devrait selon toute vraisemblance être validé par les deux Chambres début octobre. Au moment d’enregistrer leur vote, gageons que les parlementaires auront à cœur de mettre au présent les mots de Jean Monnet : « L’Europe se fera dans les crises, et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. »

* Les prénoms ont été modifiés