« C’est le plus beau métier du monde ». Voilà comment Susana décrit son boulot de caissière au cinéma Utopia de Toulouse. « C’est là où tu rencontres le public…, c’est le côté vrai des choses. Tu vois la réaction des gens, ce que les films produisent chez eux quand ils sont fâchés, révoltés ou indignés, réjouis ou heureux, ils sont rarement indifférents, c’est enrichissant… ».

Rue Montardy, Utopia héberge le 7ème art. Avant d’être le plus vieux cinéma de France, le cinéma d’Art et Essai était le premier opéra de Toulouse. On comprend pourquoi ce lieu respire la noblesse, dégage cette beauté et cette âme propre aux endroits qui ont toujours accueilli la culture.

Utopia est une SARL, une entreprise privée non subventionnée. Cinq cinémas (Toulouse (3 salles), Tournefeuille (4 salles), Avignon, Saint-Ouen Pontoise, Bordeaux) se gèrent et fonctionnent de façon autonome et indépendante.

Un cinéma original et impliqué

« Les films commencent à l’heure, pas de publicité, pas de grignotages dans les salles » lit-on à l’entrée du cinéma. Le tarif est le même pour tous: 5 euros 50. La version originale est reine dans ce lieu qui se donne comme mot d’ordre de respecter le cinéma. Pétitions dont « Non au taser », DVDs tels que « OGM? », journaux (Satiricon, No pasaran, Alter Echos) entourent l’unique caisse d’Utopia et donnent d’emblée le ton. Les documentaires « Le cauchemar de Darwin », « The Corporation », « D’autres mondes », etc., « censurés » dans les grands cinémas toulousains, trouveront leur place dans ce cinéma différent et engagé.

Utopia cherche à faire venir le public mais « pas d’une façon consommatrice ». Il pousse à une démarche éducative, formatrice. Le cinéma d’Art et Essai toulousain cherche l’ouverture d’esprit, veut provoquer le débat, oblige à prendre position.
« On essaie de garder le plus longtemps possible à l’écran les films qui nous tiennent à coeur pour ne pas les brûler trop vite » explique Susana avec son petit accent espagnol. « Plus ils sont à l’écran, plus ils sont vivants et plus ils existent ».

Pour résumer, « on cherche à sortir le cinéma dehors ». Par le biais de la fameuse « Gazette d’Utopia », leur « agent de communication principal », le cinéma fait sa « pub » et sort de « sa coquille ». Ce journal communique avec le public sur les films et horaires, met en valeur les longs métrages. Susana parle d’ « explications enthousiastes » plus que de véritables critiques.

Plus que du cinéma, une rencontre

Pour Susana, «c’est une rencontre collective, l’échange est primordial ». Pour pousser la réflexion, des invitations, débats et rencontres avec des réalisateurs, professeurs, chercheurs, associations sont organisées. Des cinés-concerts sont prévus, un réveillon cabaret ciné est organisé pour le 31 décembre. Susana se réjouit d’avance. « C’est le jour décalé par excellence, tout en magie et fantastique ! ».
Ce mois-ci à Utopia c’est le film Babel qui tient la vedette. La projectionniste conseille Les lumières du faubourg, 10 canoës, 150 lances et 3 épouses ou encore le « délirant » et « excellent » manga Paprika.
Susana est ravie, « son » cinéma marche bien, le public est au rendez-vous. Une belle rencontre du cinéma d’auteur avec ses afficionados.