La semaine dernière se tenaient les Assises du journalisme et de l’information à Tours. Pour cette édition placée sous le signe du sport, la place des femmes dans le journalisme de sport était notamment débattue. Si de plus en plus de femmes sont présentes dans les rédactions, nombreuses sont celles qui se heurtent à un plafond de verre. 

Bien qu’aujourd’hui, la profession semble se féminiser, les femmes journalistes de sport représentent seulement 15 % des rédactions. Alors, quelles sont les causes de cette sous-représentation ? 

Pauline Guillou, pigiste pour RMC Sport, L’Equipe et TF1 et membre de l’association des Femmes journalistes de sport déplore notamment un manque de légitimité, lorsque les femmes se saisissent des questions liées au sport. Elle affirme : « Je suis journaliste sportive, mais j’ai un syndrome de l’imposteur qui est énorme, j’ai toujours senti que c’était bizarre que je sois là. » Cette idée est liée au fait que les femmes sont le plus souvent reléguées à des postes secondaires : journaliste de bord de terrain, présentatrice, intervieweuse. Cette relégation est d’autant plus importante qu’elle est intériorisée par ces femmes « Je ne me sens pas légitime à faire une analyse tactique. Pourtant je sais que j’en suis capable » , souligne-t-elle.

L’une des composantes de cette absence de légitimité est relative à un rapport au sport différencié de celui des hommes. Très tôt, les filles arrêtent le sport, en raison de la puberté et des injonctions auxquelles elles sont exposées.

Un plafond de verre difficile à briser 

Ces témoignages sont corroborés par des études sur la question. Sandy Montañola, maîtresse de conférence à l’université Rennes I en sciences de la communication et de l’information et spécialiste de la question des inégalités dans les médias, déclare : « Il y a une absence de rôle modèle ce qui induit une impossibilité pour les femmes de se projeter. » Les femmes font face à des inégalités liées à l’accession aux postes à haute responsabilité. On compte entre 10 à 15 % de femmes rédactrices en chef, tous médias confondus, selon le think tank Sport et citoyenneté, une inégalité encore plus prégnante dans le sport. Outre l’absence de rôle modèle, les femmes subissent aussi davantage la précarité dans le journalisme de sport « Plus le sport est important, moins il y a de femmes. L’entrée des femmes se fait dans des endroits moins convoités, donc il y a plus de femmes pigistes. » Tout cela se faisant dans un domaine très concurrentiel, puisqu’il y a peu de renouvellement de postes.

Un manque de visibilité du sport féminin

En dehors des spécificités de la profession, il semblerait que la solution réside dans le rapport des femmes au sport, qui est moins développé que celui des hommes. Sans compter que les compétitions féminines sont moins suivies que les grands rendez-vous sportifs masculins. Par exemple, la dernière coupe du monde féminine de foot n’avait pas trouvé de diffuseur en France jusqu’à deux semaines avant la compétition

Malgré la mise en lumière des inégalités entre les femmes et les hommes dans les rédactions, le message de ces Assises reste optimiste. Tiffany Henne, journaliste pour RMC Sport conclut par ces mots : « Changer les mentalités, y compris celles des plus âgés, est nécessaire. Même si c’est difficile, les femmes doivent continuer à s’imposer dans cet espace masculin. Comme cela a été fait il y a quelques années en politique par exemple. Les filles faites du journalisme de sport, c’est super cool ! »

_____________________________________________________________________________________________________________________________________

Depuis la diffusion du documentaire de Marie Portolano « Je ne suis pas une salope, je suis journaliste » en 2021, la parole des femmes s’est libérée vis-à-vis des violences sexistes et sexuelles. Tiffany Henne revient sur des agressions qu’elle a subi : « J’ai été harcelée pendant quatre ans par un de mes chefs. Une fois il m’a bloqué dans une salle jusqu’à ce que j’avoue que j’étais lesbienne. » 

Le climat dans les rédactions est souvent pesant pour les femmes journalistes qui subissent des blagues misogynes et graveleuses : « J’avais le droit à des sous-entendus sur mon orientation sexuelle tous les jours ». « Je suis une femme journaliste donc évidemment que… j’ai subi des mains aux fesses, j’ai été embrassée de force, j’ai reçu des messages de sportifs », la journaliste insiste sur le fait que ces agressions venaient à la fois des hommes de sa rédaction et des supporters lorsqu’elle était en reportage.

_____________________________________________________________________________________________________________________________________

Louise Kourdane et Marco Cunill

Photo : Pauline Guillou par Marco Cunill