L’assemblée citoyenne de Haute-Garonne a rendu le 3 février son rapport sur la transition écologique au président du Conseil départemental, Sébastien Vincini. 75 propositions concrètes ont émergé de ces 2 ans de concertation.

« Nous souhaitions proposer un projet en lien avec la démocratie participative » se remémore Sandrine Floureusses, vice-présidente du Conseil départemental de Haute-Garonne et chargée du Dialogue citoyen, de l’Égalité et des Jeunesses.

Après plusieurs mois de communication sur le dispositif à base de tractations sur les marchés ou par des rencontres auprès d’associations, 1 550 volontaires s’inscrivent sur la plateforme dédiée en 2022. Parmi eux, 162 sont tirés au sort. Chaque canton (la Haute-Garonne compte 27 cantons) est représenté par 6 membres de l’assemblée avec une parité exigée.

« Nous voulions un maximum de représentativité » précise Sandrine Floureusses. « Nous avons eu de tous les âges et de toutes les professions ». En effet, près de la moitié des candidats ont moins de 44 ans. Parmi les 162 membres, les différentes catégories socioprofessionnelles sont représentées avec quelques disparités. Près de 31 % des élus proviennent des cadres et professions intellectuelles supérieurs alors qu’ils ne représentent que 21,2 % de la population en Haute-Garonne selon l’INSEE en 2020. Pareil pour les ouvriers qui sont représentés à 1,2 % à l’assemblée citoyenne alors que le département affiche 12,6 % d’ouvriers selon l’INSEE. L’assemblée citoyenne fait tout de même mieux que l’Assemblée nationale qui compte parmi ses élus 70 % de cadres et professions intellectuelles supérieurs.

18 mois de travaux, de formations, d’échanges ont été nécessaires afin de proposer au Conseil départemental le rapport sur la transition écologique.

Le spectre de la convention citoyenne

Lorsque l’on évoque la démocratie participative, il nous vient immédiatement à l’esprit le « grand débat » mené par Emmanuel Macron en plein mouvement des Gilets Jaunes ou encore la Convention citoyenne sur le climat proposée par le gouvernement en 2019. Le premier a permis de freiner le mouvement à l’œuvre sans pour autant prendre en compte les doléances des citoyens, tandis que le second, malgré une représentativité parfaite due à un tirage au sort et une multitude de propositions sur la bifurcation écologique, n’a été repris que de manière marginale par le gouvernement avec seulement 10 % de propositions retenues.

« Nous avions en tête tout le long du processus la déception qu’a été la Convention citoyenne pour le climat. »

Sandrine Floureusses

Dans leur livre, En finir avec la démocratie participative, sorti en 2024, Manon Loisel, chercheuse en politiques publiques territoriales et Nicolas Rio, docteur en science politique, mettent à mal le processus de démocratie participative. Dans un entretien à Médiapart, ils précisent « faire parler les citoyens sans prendre en compte ce qui est dit, en effet, aboutit plutôt à renforcer la défiance et la colère qu’à surmonter la crise démocratique ».

« Notre intervention dans les débats permettait d’indiquer si les mesures proposées étaient possibles ou non » précise Sandrine Floureusses. « Nous avons mis en place un cadre de réalisation pour limiter l’effet déceptif et qui permette de garder une confiance ». La vice-présidente souligne que la majorité des propositions émises par l’assemblée seront reprises par le Conseil départemental.

Une démocratie si participative ?

Il existe un syndrome désormais bien connu et nommé par les professionnels de la démocratie participative (comme la société Eclectic Expérience, engagée pour piloter l’assemblée citoyenne de Haute-Garonne) TLM pour « Toujours les mêmes ». Manon Loisel et Nicolas Rio montrent dans leur ouvrage que les dispositions à prendre la parole et à se sentir légitime sont inégales. « De ce point de vue, la démocratie participative et certaines formes de démocratie directe viennent augmenter les inégalités existantes, en favorisant celles et ceux qui peuvent se mobiliser », explique Manon Loisel.

Les auteurs préconisent l’usage du tirage au sort pour permettre une représentativité absolue. « Nous avons souhaité réaliser un tirage au sort parmi des volontaires, car nous voulions des personnes motivées par le projet », prévient la vice-présidente. « Une amie à moi, qui pourtant est très engagée au niveau local, n’a que très peu participé aux consultations alors qu’elle avait été tirée au sort ».

Plutôt que de mettre en place des dispositifs de démocratie participative, Manon Loisel et Nicolas Rio recommandent aux institutions chargées des politiques publiques d’écouter attentivement la population qui s’exprime déjà que ce soit dans la rue, dans la presse locale ou au niveau associatif.

« Vu que gueuler ne sert à rien, pourquoi ne pas essayer autre chose » théorise Jean-Jacques Bonardini, membre de l’assemblée citoyenne, à Boudu. Le souci démocratique vient peut-être du manque d’écoute des manifestations, de leur entrave. La mise en place de projet de démocratie participative n’est-elle pas le syndrome d’une démocratie malade ?

Malgré tout, les propositions qui découlent du rapport offrent une belle perspective de transition écologique pour le département avec des mesures concrètes sur le plan écologique et social, comme la limitation de l’usage des produits phytosanitaires ou encore la construction de logements sociaux en adéquation avec la nature. La démocratie participative présente le risque d’être un outil de légitimation démocratique des politiques menées sans observer, in fine, de véritables changements. Il appartient désormais au Conseil départemental de prouver le contraire en votant les propositions. 

Rapport de l’Assemblée citoyenne : 19304_INTER Assemblée citoyenne_Rapport final des travaux_V2 web.pdf