À l’appel des élus du Parti communiste de Haute-Garonne, un rassemblement est organisé jeudi 8 février devant la préfecture à Toulouse pour demander à l’État une hausse des financements de logements sociaux. Le préfet a accepté de recevoir les représentants.

« 2,4 millions de ménages en France dont 200 000 en Occitanie attendent un logement social » peut-on lire sur le tract de mobilisation du Parti Communiste en marge du rassemblement. « Il faut absolument faire remonter le message au plus haut afin d’obtenir un financement massif, nous sommes dans une situation catastrophique » explique Julien Sueres, collaborateur de l’élue communiste Marie Piqué et membre de la Confédération nationale du logement.

La situation de forte demande de logements sociaux a atteint son paroxysme en 2022 avec presque 2,5 millions de ménages en demande, cependant ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui, mais s’inscrit dans un contexte plus long. Au sein de son rapport sur le mal-logement en France en 2024, la fondation Abbé Pierre pointe une hausse continue depuis les années 80 de la demande de logement social.

Une hausse des demandes depuis 1984

En parallèle, le rapport met en exergue la diminution progressive de l’investissement de l’État dans le logement en part de PIB.

Effort public pour le logement (en % de PIB)

Face à une offre toujours inférieure à la demande, cette dernière s’accumule au fil des années pour atteindre des chiffres records. « Je vais vous donner un exemple, dans le Tarn-et-Garonne, il y a à peu près 5 000 demandes de HLM en attente. En 2024, il est prévu une livraison de 115 logements, on n’est pas près de régler le problème » s’émeut Julien Sueres.

La situation de construction de logements sociaux s’est avérée catastrophique en 2023 en particulier à Toulouse où seulement 1 387 agréments ont été obtenus soit une baisse de 45 % par rapport à 2022. En Haute-Garonne, ce sont 2610 logements sociaux qui ont vu le jour en 2023 contre 3 132 l’année précédente. Des chiffres qui semblent dérisoires par rapport à la demande de 50 000 logements dans le département, mais qui s’explique en partie par la hausse des coûts de construction ainsi que le passage de la TVA sur l’édification de logements sociaux de 5,5 % à 10 %. « L’année 2024 sera l’année de tous les dangers » indique Jean-Michel Fabre, vice-président d’Habitat Social Occitanie à la Dépêche.

Jean-Luc Moudenc a annoncé le 10 novembre 2023 « un plan de soutien volontariste au logement social et intermédiaire » de 32 millions d’euros sur la période 2024-2026 pour permettre une production accrue de logements sociaux et une rénovation énergétique. À Toulouse, 42 000 demandes sont en attente.

« Au niveau national, il faudrait construire 150 000 logements par an, quand nous peinons à en programmer 95 000 » confie Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du logement et présidente de l’Union sociale pour l’habitat lors d’un point presse en avril 2023.

En 2021, le taux de succès des demandes en France s’établissait à 19,3 %.

Des économies aux dépens des bailleurs sociaux

Pour expliquer la difficulté des bailleurs sociaux dans la construction de logements, il faut remonter quelques années en arrière. Lors de la loi de finance de 2018, le gouvernement du Premier ministre Édouard Philippe a mis en place un dispositif de réduction de loyer de solidarité (RLS). Cette mesure faisait suite à la diminution des aides aux logements (APL) en 2017 de 5 euros par mois.

Afin de ne pas impacter les locataires bénéficiant des APL tout en réduisant les dépenses publiques, le gouvernement a décidé de prélever la RLS auprès des bailleurs sociaux. Ainsi, la diminution des APL a été prise en charge par les bailleurs sociaux qui se sont vus imposer une réduction des loyers. Ce coût est évalué à près d’1,3 milliard d’euros chaque année pour les bailleurs sociaux.

« Ce dispositif est aberrant, il enraye la capacité des bailleurs à construire et rénover. Déjà qu’ils étaient en difficulté, les constructions sont à l’arrêt et il est difficile pour eux de boucler les budgets » s’alarme Julien Sueres. « On veut faire remonter le message qu’il faut une augmentation des aides à la pierre et également une annulation de la RLS qui étouffe les bailleurs sociaux. L’objectif du gouvernement est de faire basculer la production de logements sociaux vers le privé. C’est ce que l’on déduit de ces réductions d’aides ».

« En l’état actuel, compte tenu de l’inflation, du poids de la dette, des prélèvements sur les organismes HLM, nous avons la volonté, mais nous n’avons pas les moyens »

Emmanuelle Cosse

Fragilisés par cette ponction dans leur budget, les bailleurs sociaux font face à une autre difficulté de financement. Les prêts octroyés par la Caisse des dépôts sont réalisés sur les produits d’épargne réglementés. Parmi ces produits, on trouve le livret A qui a vu son taux d’intérêt passer de 0,5 % en 2020 à 3 % en 2024. Cette hausse conduit à une augmentation des intérêts pour les prêts contractés par les bailleurs sociaux et complique les financements de construction.

Un affaiblissement de la mixité sociale

Dans son discours de politique générale prononcé à l’Assemblée nationale le 30 janvier, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé intégrer les logements intermédiaires aux quotas de la loi SRU. « Ils vont détruire la mixité sociale qui était déjà très faible à Toulouse » s’inquiète Julien Sueres.

Instaurée en 2000, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) impose aux communes de disposer de 20 % de logements sociaux sous peine d’une amende. Ce taux est porté à 25 % en 2013 avec la loi Duflot. De nombreuses communes ne respectent pas cet engagement vis-à-vis de l’État comme le pointe le rapport de la fondation Abbé Pierre, « Sur 1 031 communes soumises à la loi SRU, 659 n’ont pas atteint leurs objectifs 2020-2022, soit 64 % des communes, alors qu’elles n’étaient que 47 % dans ce cas-là trois ans plus tôt ». Selon le site de vérification « Transparence Logement Social », les villes de Tournefeuille et de l’Union ne respectent pas la loi SRU.

Avec l’intégration des logements intermédiaires dans le calcul de la loi, cela va permettre à de nombreuses communes de remplir leurs quotas sans construire de nouveaux logements sociaux. Une mesure qui vise à masquer le problème puisque comme le souligne Emmanuelle Cosse, « Aujourd’hui, seuls 3 % des ménages en attente de logement social y sont éligibles [logements intermédiaires] compte tenu de leurs ressources ».

Malgré « l’accélération du développement de l’offre » qu’a permis la loi SRU selon la Commission Nationale SRU dans son rapport de 2021, le gouvernement choisit de favoriser les communes ne respectant pas le droit au détriment de la construction de nouveaux logements sociaux.

Dans le cadre du Conseil national de la refondation dédié au logement, l’ancienne première ministre Élisabeth Borne a annoncé « des actions pour renforcer les fonds propres des organismes HLM » sans donner plus de détails. Dépourvu de ministre du logement depuis le 11 janvier 2024, le gouvernement ne montre pas une volonté pugnace sur ce sujet.

Crédit photo : © Emmanuel Clévenot / Fondation Abbé Pierre / Fondation Abbé Pierre.