Le 25 janvier, AutonoMIE, un collectif toulousain venant en aide aux Mineur.e.s Isolé.e.s Etranger.e.s, est informé par la mairie de l’expulsion des Tourelles, un ancien EHPAD où résident actuellement plus d’une centaine de jeunes. Certains membres du collectif reviennent sur la mobilisation qui se met en place afin d’engager un rapport de force avec les autorités.

Univers Cités : Le 25 janvier, la mairie annonçait dans un courrier l’expulsion du site des Tourelles, programmée pour le lundi 7 février. Pour celleux qui n’ont pas suivi ou qui ne sont pas au courant, est-ce que vous pouvez nous parler de la situation en cours vis-à-vis du lieu et des habitant.es ?

Les habitant.e.s sont des jeunes mineur.e.s isolé.e.s que le Département de Haute-Garonne ne reconnait pas comme tel.le.s en les déclarant majeur.e.s. La conséquence directe est la mise à la rue. Iels saisissent donc le juge des enfants afin de faire reconnaitre leur minorité, ce qui impliquerait une prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (et donc le département de Haute-Garonne). Après une longue lutte et un passage en squat, la mairie a décidé en 2019 de mettre à disposition un lieu et une petite équipe d’éducateurices. Un projet hybride qui a très vite montré ses limites : pas de nourriture, pas de scolarité, pas de soins,… Ça impose donc une auto-organisation des jeunes sur le modèle de ce qui se faisait en squat avec des référents sur les différents aspects de la vie collective (accueil des arrivants, santé, cuisine,…). Au lieu de se résorber, les limites du dispositif ont perduré, nécessitant une présence toujours aussi forte des militant.e.s et bénévoles.
Mais récemment la mairie a décidé, à la surprise de tou.te.s, de mettre fin au dispositif. Les raisons sont floues. En décembre, tous les acteurs se réunissaient à la mairie pour organiser la suite… et fin janvier, un courrier d’expulsion était envoyé. Les jeunes sont tombé.e.s de haut. Iels ont tout de suite basculé dans la lutte.

U. C. : Suite à la mobilisation du vendredi 4 février, la mairie est revenue sur sa décision de fermer les Tourelles. Elle a toutefois fait savoir sa volonté de faire fermer le lieu à la fin de la trêve hivernale. Que craigniez-vous pour les semaines à venir ? 

La mairie n’est pas revenue sur sa décision ! Une expulsion ça ne se décrète pas, il y a des voies légales que la mairie est tenue de suivre. Elle les suit. Ce courrier c’est la première étape. Depuis, il y a eu une seconde visite d’huissier avec constatation de présence et notification d’une « sommation de déguerpir ». L’expulsion suit son cours, les jeunes luttent et vivent dans l’angoisse du lendemain. La mairie avance dans son inhumanité.

« Sans les bénévoles, les jeunes ne mangeraient pas »

U. C. : Vous recevez des mineur.e.s isolé.e.s dans ce lieu. Quels sont les enjeux qui se jouent derrière ce statut ? 

Des enfants à mettre à l’abri au même titre que n’importe quel enfant. On va être pointilleux sur les termes : Qui accompagne et sur quoi ? La mairie ? Elle abrite mais elle n’accompagne pas. Sans les militant.e.s et les bénévoles, les jeunes ne mangent pas, ne vont pas à l’école, ne se soignent pas, etc. Leur parcours et leur profil n’a pas de réelle importance. Un jeune est un jeune, l’attention, les droits, la prise en charge doivent être les mêmes… Ces jeunes sont venu.e.s pour s’assurer une vie meilleure, la France a le devoir de les prendre en charge. Qu’elle le fasse.

U. C. : En plus de votre collectif, des associations se mobilisent pour permettre à ce lieu de perdurer, c’est notamment le cas de Tous-tes en Classe 31 (TEC31). Comment cette association intervient-elle ? 

Comme précisé précédemment, la mairie ne fait que le strict minimum… et encore. Les jeunes sont accompagné.e.s dans leur scolarité par l’association TEC31 de deux manières. Elle se bat pour faire entrer les jeunes dans le droit commun en les scolarisant dans des établissements de la région toulousaine. Cette année, une quarantaine de jeunes ont été scolarisé.e.s grâce au soutien de ces établissements et de leurs équipes éducatives. Par ailleurs, les professeur.e.s bénévoles dispensent aussi plus de 35 heures de cours par semaine sur place. Iels sont présent.e.s tous les jours au bâtiment.

« L’espoir est leur moteur depuis qu’ils sont partis de chez eux »

U. C. : Les autorités ont avancé l’argument de la sécurité des jeunes pour justifier l’expulsion du lieu, une solution vous a-t-elle été proposée pour pallier à l’urgence de la situation ? 

Non, il n’y a eu aucune proposition… Mais on se demande de quel problème de sécurité on parle… La précarité alimentaire ? Les carences sanitaires et éducatives ? Ce sont les problèmes que l’on constate tous les jours et que les jeunes dénoncent depuis des mois. Quand l’huissier est venu, mandaté par la mairie, 20 policiers municipaux l’accompagnaient et ont temporairement bloqué les entrées et sorties. Y’a-t-il eu des débordements ? Aucun. De quel côté est la violence quand on envoie 20 flics armés pour une notification d’huissier à des ados ?

U. C. : Quand on voit que l’État a été débouté dans l’affaire du squat au 36 rue Roquelaine, et avec tous les efforts que vous mettez en oeuvre, avez-vous bon espoir pour la suite ? 

Les jeunes luttent et ont un objectif simple : la prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance. L’espoir est leur moteur depuis qu’iels sont parti.e.s de chez eux. À nous tou.te.s d’être à la hauteur.

 

Crédit photo // 📷 ben art core (Krasnyi) | Hans Lucas – Toulouse – 15/02/2022 – https://twitter.com/BenArtCore31