Une équipe d’archéologues fouille actuellement le sol de l’Université du Capitole. Cette opération de sauvegarde explore diverses périodes de l’Histoire toulousaine allant du médiéval au contemporain avant la destruction du site pour un projet d’aménagement.

La scène est bien curieuse : une dizaine d’hommes et femmes grattant le sol de l’Université du Capitole pendant quatre mois. Ce sont des archéologues et ce qu’ils font, ce sont des fouilles. Le site, grand comme un terrain de football, va faire l’objet de travaux prévus par l’Université. Depuis 2001, chaque projet d’aménagement urbain doit faire l’objet a minima d’une prospection archéologique pour s’assurer de l’absence de vestiges archéologiques. En zone urbaine, la nécessité de fouiller est quasi systématique car le sous-sol en regorge.

Un site pour trois époques

En l’occurrence, « le site est particulièrement intéressant » selon Xavier Lhermite, le responsable des fouilles. Il présente trois importantes couches historiques superposées. La plus ancienne date du XIVe siècle. À l’époque, la ville de Toulouse prospère grâce, entre autres, au commerce du pastel, un pigment bleu très recherché. Les faubourgs commencent à s’étendre vers le nord autour de la cathédrale Saint Sernin. La ville se dote alors d’une nouvelle enceinte au niveau de l’actuel canal de Brienne tandis que de nouveaux habitants s’installent sur le site de l’actuelle Université du Capitole.

En 1348, avec la Peste Noire puis la Guerre de Cent ans, la ville se dépeuple et le quartier est abandonné. Mais les vestiges du quartier demeurent : un très beau bâtiment et une rue séparant deux îlots urbains. Pour Xavier Lhermite, c’est une chance. « C’est rare d’avoir accès à un espace aussi grand en cœur de ville, ça pourrait venir renouveler notre vision de la Toulouse médiévale et surtout nous apprendre beaucoup sur les pratiques quotidiennes des habitants ».

Au XVIe, l’ordre monastique des Chartreux rachète cette zone pour y installer des jardins. C’est à eux que l’on doit le cloître un peu plus loin. Sur cette deuxième strate du site, les vestiges sont particulièrement difficiles à fouiller car il ne s’agit pas de bâtiments. « On va chercher des fosses de plantation, des allées, mais on va aussi analyser la composition du sol et les différentes graines qu’on y trouve », explique un archéologue.

L’époque contemporaine et l’industrie de la guerre

La Révolution réquisitionne les terrains et installe un arsenal sur le site de l’université en 1792 en préparation d’une guerre avec les couronnes espagnole et anglaise. Le site, aujourd’hui fouillé, reste ensuite en friche jusqu’en 1848 avec la construction d’un entrepôt contenant des armes et des voitures… à chevaux. Après plusieurs explosions au cœur de l’arsenal, qui vaudront à Toulouse le titre de Poudreville, les activités liées à la manipulation d’explosifs sont déplacées sur l’île du Grand Ramier en 1880 puis sur l’autre rive au niveau de l’ancien site d’AZF. Ainsi, cette entreprise de sinistre mémoire n’est autre que la structure héritière de la lignée maudite de l’arsenal.

Le site n’est pas abandonné pour autant. Pendant la guerre, les fameuses munitionnettes* y fabriquaient des douilles en masse. Rails oxydés, cuves d’eau et autres dispositifs à vapeur sortent de terre sous l’œil des archéologues. « On a déjà perdu la mémoire des grandes industries du XIXe et XXe siècle, il est impératif de la retrouver », conclut Xavier Lhermite.

L’Université, par l’intermédiaire de sa responsable de communication, ne tient pas à médiatiser l’affaire et préfère « se concentrer sur l’avenir ». Bon gré mal gré, les vestiges quant à eux sont tous sauvegardés dans les fichiers.

*ouvrières produisant des armes pour remplacer les hommes partis au front pendant la Première guerre mondiale.

 

Légende Photo : Le responsable des fouilles supervise les dernières captations par drone de la journée. Crédit : Elie Toquet