Mix’Art Myrys, lieu incontournable de la culture artistique toulousaine, s’est vu imposé une fermeture administrative le 20 janvier dernier. 

Né dans la culture squatte du milieu des années 1990, ce collectif d’artistes engagés a vu le jour dans une usine à chaussures désaffectée, dans le quartier de Patte d’Oie. 

Après avoir occupé pendant quatre ans le Grand Hôtel de la rue de Metz, il investit – sur proposition de la mairie Moudenc et depuis 2005 – un local désaffecté dans le quartier de Pont Jumeau.
Situé rue Ferdinand-Lassalle, ce grand hall de 4 500 mètres carrés se compose de 25 ateliers et trois salles de spectacle.
A la fois espace de création diverse et lieu accueillant du public, il fait aujourd’hui l’objet d’une fermeture administrative en raison de sa non-conformité aux normes ERP (Etablissement Recevant du Public). 

 

Un dialogue difficile   

La situation est connue depuis quinze ans; le rachat du bâtiment par Toulouse Métropole, en 2018, devait être associé à des travaux de remise aux normes. Une discussion, nécessaire à l’établissement d’un budget, s’est ouverte : la parole est restée en suspens au cours de ces trois dernières années. Fruit de négociations houleuses, Joël Lescussan (coordinateur de Mix’Art Myrys), assure avoir été, accompagné de son équipe, largement proposant. A la recherche de multiples solutions alternatives, le but était de proposer un budget crédible minimum : il leur fallait sept millions d’euros. La mairie de Toulouse leur accordait des moyens s’élevant à 3 millions d’euros, ils ont donc entamé des démarches auprès de la région, espérant y trouver la somme complémentaire. 

Dans son témoignage, M. Lescussan livre avoir obtenu l’approbation de la part de la région, qui leur accordait 4,4 millions d’euros. Décision prise au printemps 2019, ils n’en ont pas été informé et en ont pris connaissance un an plus tard. Relançant, en vain, la collectivité territoriale, le contact était depuis rompu. 

L’étonnante précipitation

Le 14 janvier 2021, le collectif à reçu la visite inopinée de la Direction de la Sécurité Civile et des Risques Majeurs, annonçant un mauvais présage.
Dans l’attente de réponses à propos des travaux essentiels à la conservation du lieu, la fermeture administrative a finalement été actée le 20 janvier dernier.
Inexpliquée et inexplicable, cette délibération en a surpris plus d’un. D’ailleurs, M. Lescussan confie penser que « Toulouse Métropole essaye de nous discréditer en affirmant que le budget ne nous convient pas, alors qu’il était là, que nous allions pouvoir commencer les travaux. » 

« Toulouse Métropole essaye de nous discréditer en affirmant que le budget ne nous convient pas, alors qu’il était là, que nous allions pouvoir commencer les travaux. » – Joël Lescussan, coordinateur de Mix’Art Myrys

Beaucoup de questionnement se soulèvent, « surtout quand on voit d’autres lieux du même type subir la même décision dans un temps très court. » Il cite le Bleu Bleu, bar clandestin emblématique de la ville rose, le Pavillon Mazar, ou encore la fondation Abbé-Pierre à Lagrave. 

M. Lescussan avoue y trouver un lien étrange : « Je pense que c’est dans l’ère du temps : quand on voit la loi sur le séparatisme, et celle sur la sécurité globale; la tendance liberticide se formalise. » Pour lui, l’hypothèse d’un « délit d’opinion » se dessine et s’expliquerait en partie par le fait qu’ils aient montré publiquement leur soutien à Archipel Citoyen lors des dernières municipales. 

 

Un espoir qui perdure 

A l’heure actuelle, le lieu est donc fermé au public et aux artistes. Ils perdent leurs espaces de travail, leurs outils de création et le développement de leur projet. Les AMAP, qui concernaient plus de 200 foyers aux alentours, perdent elles-aussi leur point de distribution. 

Survenant en pleine pandémie du Covid-19 – qui a mis à mal la culture – cette fermeture fragilise toujours plus l’art.
Travaillant à pousser Toulouse Métropole dans ses derniers retranchements, des manifestations ont eu lieu en parallèle et une pétition circule sur le net. Ils reçoivent aussi le soutient d’artiste connu.
Espérant rétablir le dialogue et faire le poids, les dernières cartes disponibles pour sauver ce lieu sont en jeu.