Événements annulés, usines arrêtées, production ralentie, avions collés au sol… Le coronavirus (Covid-19) a eu une grande incidence sur l’économie mondiale. Le virus serait-il alors un allié de l’environnement ? La pandémie aurait-elle pour conséquence de ralentir le réchauffement climatique ? Eh bien non, le Covid-19 n’est pas un remède miracle pour l’environnement. La crise sanitaire pourrait même avoir pour conséquence de détourner l’attention de l’urgence climatique.
La propagation du coronavirus et la mise en quarantaine de millions de personnes vont faire énormément de perdants. Mais un gagnant, souvent mentionné dans la presse, semble tirer son épingle du jeu : l’environnement.
Une bonne nouvelle à court terme
Le virus Covid-19 apparaît dans la ville de Wuhan, dans la province du Hubei, en Chine. Depuis le 23 janvier, les 11 millions d’habitants de la ville vivent cloîtrés chez eux. Plus largement, c’est toute la province du Hubei, soit 58 millions de personnes, qui est soumise à un long confinement. Un mois et demi plus tard, ils sont toujours en quarantaine.
Des images satellites partagées par la Nasa ont ainsi fait du bruit. Elles montrent une très forte diminution des émissions de dioxyde d’azote en Chine depuis janvier. La mise à l’arrêt totale de la ville de Wuhan, considérée comme le cœur industriel de la Chine, a engendré une baisse des émissions de gaz à effet de serre jamais connue auparavant, selon une estimation du Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA). Le niveau de charbon utilisé par les centrales électriques a atteint son taux le plus bas depuis quatre ans.
Pollution monitoring satellites have detected significant decreases in nitrogen dioxide over China. There is evidence that the change is at least partly related to the economic slowdown following the outbreak of coronavirus. Learn more from @NASAEarth: https://t.co/2N9GB8hfnB
— NASA (@NASA) 1 mars 2020
Cette récente diminution des émissions chinoises se traduit par une diminution globale de 6%, non négligeable. La pollution de particules fines est également à la baisse en Chine, avec une diminution de 20 à 40%.
La situation a donc un impact sur l’économie mondiale. L’aviation, qui représente environ 2% des émissions mondiales de CO2, connaît une baisse de trafic marquée. À tel point que le secteur parle d’une situation inédite depuis la crise financière de 2008. « On s’attend à une situation probablement encore plus difficile cette année et l’année prochaine, étant donné l’impact du coronavirus sur le trafic international, l’arrêt d’un certain nombre de lignes et donc une certaine surcapacité, au moins à court terme, qui ne va pas améliorer la situation », a indiqué Guillaume Faury, président exécutif d’Airbus, devant les sénateurs de la commission des Affaires économiques.
L’épidémie de coronavirus apparaît alors comme une bonne nouvelle pour la planète. Alors que les pays peinent à freiner leurs émissions de CO2, le GIEC estime qu’une baisse de 45% des émissions d’ici 2030 (par rapport à 2010) serait nécessaire pour limiter les effets dévastateurs du réchauffement climatique.
Mauvaise nouvelle sur le long terme ?
Vendredi dernier, plus de 4.000 militants pour l’environnement (en présence de Greta Thunberg) réclamaient aux gouvernements de traiter la crise climatique avec la même urgence que celle du coronavirus.
Des bénéfices à court terme ? De nombreux climatologues s’accordent sur ce point. « On sait que ça ne va durer que l’espace de quelques semaines, qui correspondent à une baisse d’activité industrielle en Chine. Dès que l’activité reprend, ces pays seront très exigeants pour relancer la machine, on va donc revenir à des niveaux industriels très fort », a déclaré le climatologue Yves Balkanski, directeur adjoint de l’Institut Pascal, au micro de France Inter. Même son de cloche pour Glen Peters, climatologue au centre de recherche Cicero, sur Twitter. Il rappelle qu’en 2008, la crise financière avait été suivie « d’un fort rebond des émissions de CO2 à cause des mesures de relance des gouvernements. »
Le risque est que cette crise sanitaire ne détourne les investissements des énergies vertes. Elle a déjà engendré une baisse des prix du pétrole. Mais le Covid-19 pourrait également avoir un impact direct sur les énergies renouvelables. À cause du ralentissement de la production de panneaux solaires en Chine, certaines installations en Europe ou ailleurs devront être reportées. Et les prix pourraient augmenter.
Dans le cas d’une crise économique grave, le coronavirus pourrait détourner l’intérêt des citoyens pour l’environnement. Une étude menée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), en 2012 auprès de la population française, montre que plus une crise économique est forte, plus elle détourne l’attention des problèmes environnementaux.
Le Covid-19 n’est donc pas un remède miracle au changement climatique. Mais pour Amy Myers Jaffe (pour l’AFP), du groupe de réflexion américain Council on Foreign Relations, il y aura des enseignements positifs à tirer de cette crise. En particulier en ce qui concerne « les changements d’habitudes », et les réductions d’émissions de CO2 qu’elles entraînent.