Lors des procès ouverts du tribunal correctionnel de Toulouse, des personnes au profil particulier peuplent l’assistance des salles d’audience. Des habitués qui n’ont aucun lien avec les prévenus et viennent parfois depuis plusieurs années. Avec chacun leur motivation, ils partagent un même plaisir à assister au spectacle qu’offre le tribunal chaque jour de la semaine.

« On dit que le vin réjouit le cœur de l’homme », lance ironiquement un homme à son voisin. Mercredi 22 mars, il vient d’assister au jugement d’une affaire de violence conjugale dans laquelle le prévenu avait abusé de la boisson avant d’agresser sa compagne.

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Assis sur les bancs d’une salle d’audience, silence imposé, le public d’un procès ne peut pourtant s’empêcher de réagir à ce qui se présente à lui. L’entrée des prévenus, les peines réclamées et les plaidoyers suscitent l’émotion. Si bien que certains en redemandent. « Ça donne une idée de la société dans laquelle on vit », constate Alain Bonrepaux. A 70 ans, il est un fidèle des audiences toulousaines.

Goût pour l’éloquence, mépris pour la délinquance

Comme Alain, ils sont plusieurs, hommes comme femmes, à se rendre régulièrement au palais de Justice. Pour quelle raison ? « Je viens voir la réalité de la délinquance et ça me fait passer l’après-midi », assume Renée Grangier, 78 ans. Elle réside à Castelginest et parcourt 15 km pour se rendre au tribunal trois fois par semaine.

Dans son œuvre « Scène de cour : la condamnation » (1922), le peintre Jean-Louis Forain illustrait déjà l’appétit du public pour les rebondissements des procès. Photo : Flickr/Renaud Camus

A côté des prises de parole des auxiliaires de justice, le sort des accusés fascine un public qui prend des allures de juge. « Quand le prévenu parlait, ça râlait pas mal. Certains rigolaient et ça ressemblait à du racisme », décrit Faiza, 21 ans et étudiante en psychologie. Elle assistait au procès avec deux camarades pour un travail d’observation.

Un enchaînement d’audiences peut aussi renforcer des convictions personnelles. C’est le cas de Franck Hausseguy, officier des pompes funèbres qui vient au tribunal depuis 10 ans. Témoin régulier de jugements pour des délits similaires, il s’est conforté dans son image négative de la société actuelle.

Franck H. : « Dans les tribunaux, on se rend compte qu’il y a une sur-représentation des immigrés sur la délinquance »

Son observation biaisée l’amène à conclure que « l’immigration pèse sur les comptes publics de la Justice ».

« Trouver une force dans la présence du public »

Le travail des magistrats, bien que donné en public, tient à en rester éloigné. Au nom de l’indépendance de la mission de Justice. « Je viens pour dire quelque chose, que ça plaise ou non. Un avocat concentré sur sa mission n’a pas beaucoup de disponibilité pour percevoir la réaction du public et en tenir compte », assure Corinne Dursent, avocate depuis 1988 au barreau toulousain.

A l’âge de 13 ans, après avoir assisté à une comparution immédiate, Corinne Dursent s’est destinée au métier d’avocate. Photo : DR

Officiant également aux Assises, pour les affaires criminelles, elle concède toutefois que l’assistance joue un rôle majeur. « On peut être épaulé et trouver une force dans la présence du public, comme ce peut être un frein à l’éloquence. » Alors Corinne Dursent et ses confrères, préfèrent ne pas imaginer ce qui se dit dans leur dos durant les procès. « L’importance de notre tâche fait qu’on a très peu l’occasion de réfléchir à l’image et au sentiment qu’on peut donner. ». Une représentation à sens unique, donc ?

Assister à une audience pénale n’est pas un spectacle comme les autres. Or, l’habitude prise par certains de se rendre à des procès induit l’importance de prendre du recul sur la violence symbolique qui s’y opère. Pour cela, les bancs du tribunal ne remplacent pas les bancs de l’école pour un apprentissage du fonctionnement de la Justice.