On avait quitté Quentin Tarantino dans un cinéma parisien en flamme, laissant son gang de juifs vengeurs massacrer Hitler et tout le gratin nazi et collabo de la capitale dans un Inglorious Basterds aussi brillant qu’osé. Le réalisateur américain continue son travail de réécriture des sombres périodes de l’histoire humaine en s’attaquant à un thème qui ne laisse personne indifférent, surtout aux Etats-Unis : l’esclavage.
Django Unchained parvient à évoquer une période dont l’Amérique n’a pas fini de se repentir à travers un western violent et réussi. Véritable parcours initiatique d’un héros sobrement campé par Jamie Fox, ce film permet enfin à Tarantino de s’attaquer à un genre autour duquel il tourne depuis ses débuts.
Dans le sud des Etats-Unis, où l’esclavage s’apprête à provoquer la guerre de sécession, le Dr Shultz est chasseur de prime. Christopher Waltz, au sommet de son art, collabore une deuxième fois d’affilé avec Tarantino pour jouer ce personnage polyglotte. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il se pose dans la lignée des acteurs collant parfaitement aux dialogues tarantinesques ! Pour identifier les trois frères Brittle, négriers dont les têtes sont mises à prix, il rend sa liberté à Django. Une fois leur besogne accomplie, les deux héros, pourtant foncièrement différents – l’un est un européen aux mœurs raffinées, l’autre n’a connu que l’esclavage – décident de continuer à faire équipe. Ils partent à la recherche de la femme de Django, Broomhilda, esclave dans les plantations de Calvin Candie, incarné par Leonardo Di Caprio, qui trouve enfin un rôle d’ordure à sa mesure.
Western spaghetti
Dans la lignée des meilleurs westerns spaghetti (le titre est directement inspiré d’un western italien culte mais oublié de Sergio Corbucci, Django), Django Unchained peut parfois choquer par sa violence crue, mais Tarantino a cette fois décidé de la montrer avec recul, sans tomber dans les massacres dont il a le secret. Quand il nous montre un affrontement de mandingos dans le salon privé du sadique Calvin Candie, le réalisateur semble effrayé. Pas d’effusion de sang, seulement une distance qui impressionne. À 50 ans bientôt, serait-ce l’âge de raison pour Tarantino ? Une chose est certaine, le cinéphile passionné qu’il est maîtrise désormais parfaitement son sujet, et chaque nouveau film s’en ressent.
Les 2h44 de ce nouveau chef d’œuvre passent à une vitesse folle, où alternent scènes à l’humour décapant (un débat sur le port de la cagoule blanche entre des sudistes racistes qui s’apprêtent à lyncher Django) et fusillades intenses.
Qu’en résulte t-il ? Un excellent western où vengeance et histoire s’entremêlent dans un déchaînement de violence qui laisse le spectateur abasourdi. Au lieu du kitsh qu’on pouvait craindre, le film tient plus de la tragédie, incarnée par le personnage héroïque et destructeur de Django. Aux moments comiques succèdent ainsi des affrontements dantesques où l’esclavage trouve en ces deux héros du film des adversaires de taille. Le triomphe de cet homme libéré est le meilleur réquisitoire contre l’esclavage que Tarantino pouvait réussir. Une fois de plus, le cinéma en ressort grandi.