Difficile de qualifier par un autre mot le décor du Grand Hôtel de l’Opéra ce soir-là. Tout n’était que délicatesse : les mini-financiers sur leur plateau, les fauteuils couleur framboise et le rouge à lèvres carmin de la toujours plus jolie Audrey Tautou. Abordable et formidablement intéressante, elle nous a reçus, entourée de Stéphane et David Foenkinos, pour parler de leur film, « La Délicatesse », adapté du roman du même nom. Récit d’un entretien à trois voix.

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C’est l’histoire de Nathalie (Audrey Tautou), la douce et fragile Nathalie qui vivait dans sa bulle d’amour et de jus d’abricot avec François (Pio Marmaï) jusqu’au jour où ce dernier part faire un jogging dont il ne reviendra jamais. Des années plus tard, l’improbable Markus (François Damiens) entre dans le bureau de Nathalie, sa chef de service. Elle l’embrasse sans réfléchir. Et maintenant, elle se demande : ce qui lui a pris, ce qui lui prend, tout ce qu’il lui donnera. C’est l’histoire de ces surprises qui font revivre. C’est l’histoire du printemps qui finit toujours par revenir.

« Univers-Cités » : Audrey, parlez-nous du personnage de Nathalie ?

Audrey Tautou : Nathalie est une jeune fille qui vit un drame terrible : elle perd l’amour de sa vie dans un accident. C’est l’histoire de sa renaissance grâce à une rencontre inattendue avec un personnage improbable, Markus, joué par François Damiens. Markus va l’aider à panser ses plaies et à adoucir les souvenirs douloureux.

A personnage improbable, casting improbable. Pourquoi François Damiens pour interpréter le suédois Markus ? François Damiens peut-il vraiment séduire Audrey Tautou ?

David Foenkinos : C’était le pari majeur du film, faire que l’improbable devienne probable. Il fallait veiller à ce que Markus ne soit pas trop ridicule, pour qu’on y croie. Finalement, je le trouve assez simple et bienveillant, ce n’est pas difficile de s’identifier à lui. Et je crois que le charme du duo opère assez vite, finalement.

Stéphane Foenkinos : Je me souviens que j’étais dans une impasse quant au casting de Markus. On a cherché des scandinaves mais on ne voyait pas quel acteur de cette tranche d’âge pouvait jouer en français. Et puis on ne pouvait pas mettre n’importe qui en face d’Audrey. Mais quand on a vu le visage de François, c’était une évidence, il correspondait parfaitement.

A. T. : Au-delà du visage, il fallait un personnage singulier. J’ai tout de suite était conquise parce qu’il avait en lui : une gentillesse, une discrétion, une poésie. Tout en lui est juste.

Avez-vous cherché à rester fidèle au roman ?

D. F. : Oui, j’ai tout fait pour que l’adaptation soit la plus fidèle possible, pour mes lecteurs. J’avais très peur qu’ils soient déçus. Après, bien sûr, on s’imagine toujours énormément de choses quand on lit, selon sa propre histoire. Et puis il fallait que ce soit un film. J’ai rajouté un personnage par exemple [ndlr, Joséphine de Meaux est Sophie, la meilleure amie de Nathalie] parce qu’il fallait que Nathalie puisse se confier. Et puis c’est un choix de casting, j’avais envie d’offrir un rôle à Joséphine de Meaux.

Audrey, vous avez lu le livre avant d’accepter le film ?

A. T. : Non, j’ai lu le livre après le tournage seulement. Le scénario, décalé et extrêmement délicat, m’a suffit pour travailler le personnage. Et finalement, je n’étais pas à côté de la plaque !

D.F : De toute façon, j’ai déconseillé aux acteurs et même à l’équipe technique de lire le roman. Il y a énormément d’éléments en plus dont je ne voulais pas qu’ils s’encombrent.

Comment avez-vous appréhendé le rôle, Audrey ? Nathalie vous ressemble-t-elle ?

A.T : Je ne crois pas qu’elle me ressemble, en revanche, j’ai pu imaginer sa détresse. Et puis j’ai essayé de la rendre la plus proche de moi possible, de ne rien composer du tout. Je me suis permise d’être plus légère par rapport au texte. Parce que j’avais l’envie d’essayer d’y mettre de la vie…

Quelle était justement votre marge d’interprétation par rapport au texte ?

A. T. : Immense, David et Stéphane ont créé un véritable climat de confiance…

D. T. , qui l’interrompt : En même temps, ça dépend des acteurs. Audrey était toujours juste, parfaite, elle nous a mâché 90% du travail ! Pendant trois mois, elle ne l’a pas seulement incarnée, elle a été Nathalie. C’était magique pour nous de vivre ça, elle est impressionnante.

La musique est centrale dans l’univers et la construction du film. Comment s’est passée la collaboration avec Emilie Simon, qui a composé le thème ?

D. F. : Je tenais à la faire travailler, elle correspondait parfaitement avec l’univers du film. Je lui ai envoyé une longue lettre à New York où elle vit, elle est venue sur le tournage en France. Comme elle a pu le raconter récemment, il se trouve que son histoire personnelle concordait malheureusement avec le thème [ndlr, son compagnon, François Chevallier est le touriste français décédé de la grippe H1N1 en Grèce cet été], sans qu’on le sache. C’était bouleversant de la rencontrer, de la voir s’identifier aux images. Elle a composé en voyant le tournage, elle a proposé des choses audacieuses, très justes. C’est une belle personne, très douce, elle fait partie de l’aventure, c’est vraiment un film avec sa musique

Le film a pour cadre une austère entreprise suédoise. C’est une sacrée image de la Suède que vous avez ! Vous avez reçu des plaintes ?

D. F.: Le livre est traduit dans le monde entier sauf en Suède, ce qui justifie mon acharnement, les Suédois manquent visiblement d’humour sur eux-même. Plus sérieusement, le livre va sortir là-bas, le film aussi. On est même partenaires avec Krisprolls qui va en offrir aux avants premières (rires). On est dans un leitmotiv comique mais on voulait un décor dépressif donc forcément, une entreprise suédoise…

Les Suédois en colère, les amoureux de la plume de Foenkinos et les curieux devront patienter jusqu’au 21 décembre pour la sortie de « La Délicatesse » sur les écrans. En attendant, retrouvez la bande annonce ici.