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« C’est tellement facile de venir en France « , « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde », « Ils nous prennent notre travail »… Qui n’a jamais entendu ou prononcé ces phrases? Jusqu’au 27 novembre, le festival Migrant’scène donne des pistes pour bousculer les préjugés.

A ne pas confondre avec son cousin « Origines contrôlées » basé à la Bourse du Travail, Migrant’Scène se déploie un peu partout dans la ville. Lancé en 2000 par le groupe toulousain de la Cimade, le festival a pris une dimension nationale – et a même traversé la Méditerranée, en s’invitant à Rabat.
Le thème choisi cette année: les préjugés. « A l’approche des élections présidentielles, le festival une mission de sensibilisation mais aussi de témoignage. On veut faire prendre conscience des préjugés croisés entre migrants et Français », explique Catherine Cagan, permanente du groupe local de la Cimade. Pour Sylvain Laspalle, président de l’association et avocat au barreau de Toulouse, le combat passe d’abord par l’information : « il est inutile de se révolter bêtement contre les préjugés, tous les débats sont légitimes ».

Familles, personnes âgées, Français « de souche » ou issus de l’immigration : au vieux temple de la rue Pargaminières, le public de la soirée d’ouverture était plutôt enthousiaste. « Un des objectifs du festival, c’est une programmation diverse dans des lieux divers : on ne touche pas les mêmes personnes à la Médiathèque ou au Grand Rond par exemple », souligne Catherine.

Un miroir aux idées reçues

Spectacles, conférences, projections… La programmation mélange les genres et les formats, avec des manifestations le plus souvent gratuites.
On peut ainsi s’étonner devant Etrange étranger, une animation réalisée par des Toulousains de 6 à 12 ans, diffusée pour la première fois dans le cadre du festival. Ou bien redécouvrir The immigrant version ciné-concert live. Clavier, percussions, guitare et basse : la bande originale du film de Chaplin est interprétée par quatre artistes de l’association nantaise « Etrange Miroir ». Un bel hommage qui dérange presque par l’intemporalité du thème.

Mention spéciale au court-métrage Le bruit et la rumeur, où les effets graphiques se superposent à l’image et à des témoignages scandés-chuchotés. Pour Raphaël Rialland, réalisateur et membre d’Etrange Miroir, « la fabrique des préjugés, c’est exactement le même mécanisme qu’un phénomène de mode ».

Le bruit et la rumeur – Teaser from etrange miroir on Vimeo.

Entre deux citations de Nietzsche ou de Romain Gary, le film donne la parole à des « spécialistes » (historien et psychologue) pour vulgariser le pourquoi et le comment des idées reçues. L’occasion de souligner que les préjugés sont trop souvent véhiculés par les médias – la télévision en particulier- qui n’hésitent pas à renforcer les stéréotypes, histoire de ne pas mettre les spectateurs mal à l’aise avec leurs préjugés sur les immigrés. L’occasion de rappeler aussi que ces immigrés sont souvent les premiers touchés par la précarité économique et sociale.

« Les préjugés, tout le monde en a, même les plus militants »

Surprise, deux des artistes d’Etrange Miroir sont aussi des bénévoles… à la Cimade. Explications : « A la Cimade, on est plutôt xénophiles… » reconnaît Raphaël Rialland. « Mais des préjugés, tout le monde en a, même les plus militants ». Difficile de ne pas demander quels sont ses préjugés, à lui. « Les policiers, les riches… c’est très cliché » sourit l’artiste.
Dans Le bruit et la rumeur, Patrick Scharnitzky, psychologue social, lance : « Le changement ne peut pas venir d’en haut puisque par définition, en haut, ils sont bien installés ». Le vrai changement doit donc venir d’en bas, de l’associatif par exemple ? « C’est un peu le message du film », commente Raphaël. « Mais moi, j’ai tendance à penser que ça ne suffit pas, que même si ce qu’on fait est utile, c’est petit ».
Un festival restant un festival, Migrant’scène ne détruira pas tous les préjugés, mais reste pour les associations une occasion pour informer et communiquer sur leur travail de fond. A voir, le spectacle créé et joué par les bénévoles de la Cimade, le 23 novembre salle du Sénéchal.

Programmation à Toulouse et ailleurs : http://www.migrantscene.org