lydie_cimade-2.jpg Le 16 juin dernier entrait en vigueur la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, dite « loi Besson ». Après avoir été saisi par le parti socialiste, le Conseil Constitutionnel a finalement validé l’essentiel de ce texte qui a suscité la polémique.

Création de « zones d’attente spéciales » pour les groupes de plus de 10 étrangers, pénalisation des mariages « gris » (sept ans de prison et 30 000 euros d’amende), déchéance de nationalité étendue aux individus condamnés pour meurtre ou tentative sur les personnes «dépositaires de l’autorité publique », augmentation des durées de rétention administrative… C’est dans ce contexte que Lydie Arbogast, 22 ans, a commencé à s’investir à la Cimade (le Comité Inter-Mouvemements Auprès des Evacués, association créée en 1939 à la frontière franco-allemande). Etudiante à Sciences Po Toulouse en master Développement économique et relations internationales, Lydie complète sa formation par un bénévolat concret et exigeant.

« Univers-cités » : Pourquoi avoir choisi la Cimade plutôt qu’une autre ONG?

Lydie : J’ai fait mon stage de 3e année au CASAS [Collectif pour l’Accueil des Solliciteurs du droit d’Asile] de Strasbourg, dont les locaux étaient juste au-dessous de ceux de la Cimade. Dans cette ville, il y a un contexte particulier, avec énormément de demandeurs d’asile : la préfecture est très sollicitée. La Cimade ne vise pas seulement les détenteurs du droit d’asile mais tous les étrangers migrants, qu’ils soient étudiants, travailleurs… On leur propose un accompagnement juridique et administratif, à la différence d’autres ONG comme la Croix Rouge, qui a une optique plus caritative. Il y a aussi une mission de témoignage face à aux injustices auxquelles on assiste.


Cette action, c’est aussi un engagement politique?

Un peu, forcément… Tu es face à des situations où tu vois concrètement l’application de certaines politiques gouvernementales, comme la nouvelle loi sur l’immigration de Eric Besson. Je ne la maîtrise pas encore dans toute son ampleur, vu qu’elle vient d’entrer en vigueur… Et d’ailleurs, la plupart des structures ne sont pas encore au point.
Le plus gros impact concerne les «obligations de quitter le territoire français» (OQTF). Avant, les migrants avaient un mois pour faire un recours devant le tribunal administratif. Maintenant, un étranger en situation irrégulière peut également se voir notifier une OQTF dite « sans délai de départ », dont le délai de recours est de 48h, jours fériés et week-ends compris. Ce qui donne peu de marge pour trouver un avocat , d’autant plus que la préfecture les notifie souvent le vendredi en fin d’après-midi… C’est un des trucs les plus choquants que j’ai vu.

En tant que bénévole, quelles sont tes missions et combien de temps par semaine y consacres-tu?

Je passe environ 10-15 heures par semaine à la Cimade, mais c’est aléatoire. Il y a des formations sur les lois, les pratiques, un temps d’accompagnement sur les dossiers des individus et aussi la mise en œuvre d’événements au sein du collectif de Toulouse. C’est une question de choix et d’organisation, même si ce n’est pas forcément évident à concilier avec les études.


Qu’est-ce qui est le plus dur pour toi?

Sans doute la prise de responsabilités vis-à-vis des gens que j’accompagne, même si la Cimade a plus un rôle de conseil que d’orientation… Ce que tu dis peux avoir des conséquences sur la vie de ces gens. A l’inverse, quand un demandeur d’asile que tu as suivi vient t’offrir une tablette de chocolat pour te remercier, alors que tu connais parfaitement le détail de ses ressources et la précarité de sa situation, c’est super gratifiant.

Qu’est-ce que t’apporte ce bénévolat sur le plan personnel?

C’est un engagement citoyen, mais aussi une manière de relativiser les tracasseries de ma vie d’étudiante : les examens, le permis de conduire… Le contact avec l’équipe est aussi très enrichissant. Je rencontre d’autres étudiants mais aussi des retraités, des avocats, des personnes que je n’aurais jamais côtoyé autrement! Comme il n’y a pas que des bénévoles à la Cimade, c’est une ouverture sur le champ professionnel qui m’attire. Et puis ça me donne le sentiment d’avoir une action un peu utile. C’est un moyen de mettre en pratique certaines valeurs.