Je n’aime pas l’automne. Personne n’aime l’automne.

L’automne, ce n’est qu’un post-scriptum des beaux jours et du soleil. Un faux espoir avant le dernier plongeon. On croit qu’il ne nous laissera pas tomber, le soleil, qu’il aura un peu d’empathie pour ses adorateurs.

Et puis non. Et on se retrouve à fêter nos morts, l’œil éteint, le cheveu plat et cassant.

L’automne n’a jamais été un état de grâce pour les pointes, c’est connu.

Ni même en matière de mode, d’ailleurs. Et je ne dis pas ça parce que la collection est particulièrement ratée cette année. Non, de manière générale, l’automne a clairement un problème de palette de couleurs.

Ce rouge orangé mi-flamboyant, mi-Halloween porte en lui seul des décennies de teints blafards et de feuilles séchées entre deux pages d’un dictionnaire et qu’on retrouve émiettées l’été suivant.

Et ça, elles le savent très bien les feuilles. C’est pour ça qu’elles se parent de ces couleurs avant de mourir. C’est pour qu’on ait des scrupules en leur marchant dessus.

Il y a pourtant bien quelque chose qui m’anime, à l’automne, c’est le changement d’heure. Et pas seulement pour des raisons de sommeil. Parce qu’on recule nos montres et qu’en reculant nos montres, on invente une heure qui n’existe pas.

C’est magique une heure qui n’existe pas. Ça voudrait dire comme ça qu’on pourrait faire tout ce qu’on veut parce qu’on serait dans une bulle et que cette bulle disparaîtrait ensuite dans l’espace-temps. Je sais que ça ne marche pas comme ça, mais moi, ça me plait de l’imaginer.

Pour une heure seulement, pouvoir dire « merde » ou « je t’aime » sans conséquence.

Pour une heure seulement, pouvoir manger, rire, danser, hurler, soigner, donner, pleurer, faire l’amour, tout assumer, tout savoir, tout vouloir, tout pouvoir.

Pour une heure seulement, devenir une fille brillante, être en haut de l’affiche, s’offrir un moment de gloire.

Pour une heure seulement, rêver qu’on partira.

Pour une heure seulement, rêver qu’on partira, comme Brel et Frida, dans cette maison avec des tas de fenêtres, avec presque pas de murs. Et qu’on vivra dedans, et qu’il fera bon y être.

Et que si c’est pas sûr, c’est quand même peut-être.