Même si la dénomination de l’association paraît similaire à celle des organisations humanitaires qui promeuvent le secours aux populations en difficulté, Avocats sans frontières n’a pas la même histoire et poursuit des objectifs différents.
La première association Avocats sans frontières voit le jour en 1992 en Belgique, à l’initiative d’avocats belges dont Pierre Legros, qui en sera le premier président. L’ambition de l’association était de défendre les Droits de l’Homme partout où ils étaient en péril. Ainsi, un véritable réseau international composé de professionnels de la justice (avocats, magistrats, juristes etc.) se met en place, menant des actions permanentes ou ponctuelles dans de nombreux pays dont l’Algérie, le Burundi, le Rwanda ou le Timor oriental.
La première action d’envergure est mise en œuvre à la suite du génocide commis au Rwanda en 1994. Pour veiller au respect des Droits de l’Homme et à la tenue de procès équitables, de nombreux avocats européens, américains et africains y sont dépêchés. Leur rôle est de défendre les droits des victimes mais aussi ceux des accusés. Au fur et à mesure, certaines branches indépendantes sont fondées dans d’autres pays comme au Canada (Quebec), en France, au Mali etc.
Avocats sans frontières en France
La branche française – Avocats sans frontières France (ASF France) – est fondée en 1998 à l’initiative de François Cantier, avocat toulousain et actuel président de l’association [[Cette association n’a aucun lien avec l’association Avocat sans frontières présidée par Me Gilles-William Goldnadel]]. Aujourd’hui composée de 720 membres, essentiellement des avocats, son siège se situe à Toulouse.
L’esprit de l’organisation française est similaire à celui de la branche belge : venir au soutien d’avocats menacés dans l’exercice de leur profession et intervenir chaque fois que les Droits de l’Homme en général et les Droits de la Défense en particulier ne peuvent être librement exercés. Elle fonde ses activités sur la présomption d’innocence, le droit pour tous à être défendu par un avocat libre et indépendant, le droit pour tous à un procès équitable.
ASF France agit sur tous les continents et de différentes manières. Elle peut intervenir dans le cadre d’actions d’urgence. « Ce fut le cas en Libye, pour le procès des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien, où on a été saisis », raconte Sylvia Moreira, coordinatrice des programmes pour l’Amérique latine. « Nous sommes aussi intervenu en Chine, pour le procès de Hu Jia [[Militant des droits de l’homme arrêté le 3 avril 2008 pour « incitation à la subversion contre le pouvoir de l’Etat »]] », ajoute-t-elle.
L’ONG met aussi en place des projets de développement et de coopération juridique dans les pays où leur intervention s’avère nécessaire. Par exemple, ASF France est présent en Colombie depuis 2003. La situation y est très difficile pour les avocats qui sont menacés et manquent parfois de formation. « L’action de l’association a permis la réalisation de missions internationales de recensement et d’accompagnement des avocats en danger, le renforcement institutionnel de la profession à travers la constitution d’un réseau d’associations et de relais régionaux, la création de la Maison de l’Avocat à Bogota, la formation en matière d‘organisation professionnelle, d’utilisation des instruments juridiques et surtout de la procédure pénale accusatoire », explique la coordinatrice.
Mais elle connaît aussi certains échecs. « ASF France avait pour ambition de créer un ordre des avocats en Colombie mais a dû faire face aux difficultés qu’implique le narcotrafic dans la région », regrette t-elle. « On apprend au fur et à mesure. Tout n’est pas parfait ».
L’association joue enfin un rôle de formateur. En France ou à l’étranger, ses intervenants forment les professionnels de la justice aux différents aspects du droit, et particulièrement le droit international et la protection des Droits de l’Homme.
Une reconnaissance nationale et internationale
En dix ans, l’association a donc réussi à s’affirmer comme étant un acteur important au niveau national et international.
Au plan national, elle bénéficie du soutien du Conseil national des Barreaux français et de la Conférence des Bâtonniers de France. Ainsi, en 2007, le Groupement d’Intérêts économiques Avocat [[Avocats de Victimes d’Opérations Commerciales, d’Accidents et de Transports]] (Conseil national des Barreaux, Conférence des Bâtonniers et Barreau de Paris), a décidé de créer un Fonds d’urgence pour la Défense à l’initiative d’ASF France. « ASF est perçu comme sérieux dans le milieu des avocats. Ses actions sont jugées pertinentes », se réjouit Sylvia Moreira.
Sur le plan international, elle a su obtenir la confiance de nombreuses organisations internationales : En 2004, ASF France s’est vu décerner le titre d’ONG avec Statut consultatif spécial auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies. En avril 2005, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a accordé à ASF France le Statut Consultatif en reconnaissance pour ses activités en partenariat avec les acteurs locaux de pays francophones. Enfin, en septembre 2005, François Cantier, président d’ASF France, a été élu président de la Commission Paix, Démocratie et Droits de l’Homme auprès de l’OIF.
C’est dans ce contexte qu’Avocats sans frontières France célèbrera, samedi 25 octobre, ses dix ans d’existence et de combat pour une justice pour tous et le respect des Droits de l’Homme