17 H 30. La cloche sonne la fin de l’école et une ribambelle d’enfants se ruent dans la cours pour embrasser leurs parents. Des maîtresses font des rondes avec des petits surexcités qui gazouillent avec toute la fraîcheur de leur âge. « Ils parlent occitan avec leurs maîtres mais français avec nous à la maison » me confie un père de famille. L’école maternelle de la Calandreta (à prononcer « Calandreto ») assure à plus de 80 têtes blondes des cours en français et en occitan, de la maternelle au CM2. Les parents, souvent enseignants ou artistes, apprécient l’ambiance conviviale des classes qui fonctionnent en petits groupes pour mieux « respecter le rythme et la personnalité de l’élève ».
Les parents souvent enseignants ou artistes apprécient l’ambiance bon enfant de cette école qui fonctionne en petites structures. Les élèves apprennent à partir de trois ans à jongler entre la langue d’oc et celle de Molière, « ce qui est excellent pour leur autonomie » me confie une mère. Et d’ajouter : « Ceci permet à ma fille de ses rapprocher de ses racines régionales. Ses grands-parents ne vont pas durer, elle aura la langue en commun avec eux ».
Une langue qui ne s’arrête jamais de mourir
Est-il vraiment pertinent d’initier de jeunes enfants à une langue morte inconnue par le plus grand nombre ? Le professeur Patrick Bianchini refuse en bloc cet adjectif. « On assiste aujourd’hui un renouveau de la culture occitane dans l’art, la littérature ou la musique avec les Fabulous Troubadours par exemple. Il y a une demande de retour aux sources, aux racines ». Lorsque on lui demande si ce phénomène ne cache pas des aspirations autonomistes, il refuse catégoriquement l’argument : « Il existe parmi les associations Occitanes un groupe minoritaire en faveur de l’autonomie de l’Occitanie. Mais nous, ce que nous souhaitons, c’est juste faire connaître la beauté de la langue, de la culture. » Lorsqu’ils s’adressent à leur maître, les enfants parlent la langue d’oc mais s’expriment en français entre eux ou à la maison, m’explique un parent d’élève. N’est ce pas un facteur d’exclusion, une complication à leur arrivée au collège ? Un maître explique que les enfants acquièrent au contraire plus de bonnes méthodes pour apprendre des langues étrangères comme l’anglais ou l’espagnol. Pour encourager les élèves vraiment motivés, les instituteurs et les parents d’élève ont participé à la mise en place de trois heures de cours d’histoire géographie en occitan au collège Clémence Isaure.
Titeuf et des « reportadges » en occitan
Les associations régionalistes ont réussi à populariser l’occitan hors du monde de l’enseignement et pénétrer au sein des sphères culturelles en proposant des spectacles, des événements. Le Festival Occitania propose par exemple aux toulousains des chants ou des danses régionales du 24 septembre au 4 novembre 2006. Près de la cathédrale Saint Etienne, des librairies occitanes fournissent des livres scolaires ou des bandes dessinées en vieux français à des enfants visiblement enthousiastes. Les « occitanophiles » sont également très fiers de la diffusion d’émissions télévisées le dimanche matin sur France 3 comme Titeuf ou Viure al pais, entièrement en langue d’oc. L’école de la Calendreta va bientôt déménager au centre-ville, rue Malcousinat, dans de nouveaux locaux en partie subventionnés par la mairie qui « veut en faire une grande vitrine de l’occitan à Toulouse », selon le professeur Patrick Bianchini. Ces initiatives d’encouragement du régionalisme consistent aussi bien à dynamiser le tourisme qu’à revivifier des racines régionales dont les toulousains seraient les ignorants dépositaires. Le passé peut-il un vecteur d’avenir à l’époque des nouvelles technologies et de l’économie « reine » ?