La Toulousaine Ebru Firat a écrit au président François Hollande. Militante du parti travailleur kurde, elle est incarcérée en Turquie depuis le 8 septembre pour « appartenance à une organisation terroriste ». Elle en appelle au soutien de la France.

Le 8 novembre 2016, alors qu’elle prévoit de retourner en France après avoir servi plusieurs années en tant qu’infirmière dans les rangs du Parti travailleur kurde (PKK) dans la lutte contre Daesh en Irak et en Syrie, la jeune Toulousaine Ebru Firat est arrêtée à l’aéroport d’Istanbul. Elle est alors soupçonnée de préparer un attentat-suicide pour le compte du PKK. Dans un jugement express, après seize jours de garde à vue et une requalification des faits, la peine est prononcée : cinq ans de prison ferme pour « appartenance à une organisation terroriste ».

Voir le reportage de France 2, tourné en janvier 2016, dans lequel apparaît Ebru Firat.

Syrie : ces Français partis se battre contre l’État islamique

Par le jeu de remise de peine et bonne conduite, la condamnation sera finalement de 22 mois de prison et un an de semi-liberté en Turquie. Mais l’objectif reste cependant « qu’elle soit acquittée et puisse rentrer en France », explique Maître Agnès Casero. L’avocate toulousaine a rendu visite à la jeune franco-kurde en décembre dernier. Aujourd’hui, depuis sa cellule, Ebru Firat en appelle au président de la République française François Hollande dans une lettre. La Dépêche du Midi a publié plusieurs extraits :

« Je m’appelle Ebru Firat, je suis née le 25 mars 1991 à Moissac. Ma mère s’appelle Sedef Firat et mon père Mevlut Firat, j’ai quatre frères qui ont entre 13 et 23 ans. (…) À l’année 2009, au mois de septembre, j’ai voulu faire des choses et faire entendre la voix du peuple kurde qui mène une coalition de liberté depuis près de 30 ans. J’ai décidé de participer au mouvement kurde qui se trouve au nord de l’Irak (je ne peux pas écrire son nom clairement car c’est interdit). Quand j’étais en Irak, j’ai suivi une éducation en médecine pendant un an et demi et j’ai ainsi travaillé comme infirmière dans les années qui ont suivi. »

« Je suis la seule Française qui est partie combattre en Syrie. Je crois avoir aidé ce combat et avoir fait ce qui est possible de ma part. J’ai vécu énormément de choses là-bas, j’ai rencontré beaucoup de personnes, mais je n’ai rien fait de mal et d’interdit. Je crois à toutes les oppositions qui combattent ce danger mondial et je remercie la France, qui est pour moi mon pays, d’aider ce combat. »

« Monsieur le Président, je n’ai pas envie de vous faire mal à la tête en vous écrivant des dizaines de pages ou en vous racontant les partis politiques ou la guerre qui se mène en Syrie. Mais seulement de me faire entendre, en tant que jeune femme de nationalité française et d’origine kurde qui a fait un exemple et qui est partie dans des endroits qu’elle ne connaissait pas, seulement pour pouvoir aider un peuple en souffrance. »

« Je vous demande, Monsieur le Président, à mon arrivée, d’être emprisonnée dans mon pays et pas ici. Ma famille est allée au consulat français d’Istanbul mais ils ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire. Je vous prie, Monsieur le Président, de demander mon transfert en France à l’État turc, et de ne pas donner la liberté et la chance à l’État turc de prendre des volontaires français et autres Européens en prison, pour avoir participé avec les groupes kurdes à combattre l’ennemi mondial. »

Un contexte international complexe

C’est dans les rangs du Parti travailleur kurde que la jeune femme a passé les sept dernières années. Ennemi du gouvernement turc, au même titre que l’État islamique, le PKK est considéré par la Turquie (tout comme par le Canada, l’Union Européenne, de l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni) comme une organisation terroriste. Avec ses Unités de protection du peuple kurde (YPG), il reste cependant la force majeure qui combat le djihadisme sur le terrain.

Depuis que la Turquie a déclaré son entrée en guerre « contre le terrorisme » le 24 juillet 2015, elle a davantage bombardé les positions militaires du PKK que l’Etat islamique. La tension est montée davantage après le coup d’état manqué le 15 juillet 2016 et les multiples attentats perpétués sur le sol turc. Le président Erdogan a alors radicalement réduit les libertés publiques et, dans le même temps, intensifié la répression, aussi bien envers les putschistes qu’envers les Kurdes. Depuis le début de l’année, l’alliance entre la Turquie et la coalition internationale dans la lutte contre l’EI est très fragilisée par cette volonté turque de cibler les forces kurdes. La coalition internationale jugeant avant tout que les kurdes sont des combattants de l’EI, des alliés sur le terrain.

Une fenêtre d’opportunité politique

Ce climat complexe rend encore plus difficile l’intervention de l’État français auprès du gouvernement turc pour une libération de l’ex-combattante du PKK, Ebru Friat. Mais à Toulouse, l’avocate de la détenue ne perd pas espoir : « Elle représente la liberté et les valeurs de la France et venait continuer sa vie à Toulouse quand elle a été arrêtée », a-t-elle déclaré.

Ce mardi 28 mars, l’Élysée n’a toujours pas réagi à la lettre de la détenue. En octobre dernier, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc et la présidente de la région Occitanie Carole Delga avaient lancé l’alerte en adressant une lettre au Ministre des Affaires Étrangères Jean-Marc Ayrault, en vain.

Vendredi 24 mars, Agnès Casero a lancé une cagnotte Leetchi à la suite d’une réunion d’information sur la situation d’Ebru Firat. Un appel au don qui sera utilisé pour couvrir les frais de défense et améliorer les conditions de détention de la jeune Toulousaine. L’avocate compte sur la liberté que confère à François Hollande le fait de ne pas se représenter : l’affaire gagnera a être traitée avant l’élection du futur président français.