Un grand-père offre un livre à son petit fils de 4 ans. Pour en découvrir en vain le contenu, l’enfant fait glisser son doigt sur le papier. L’anecdote prête à sourire. Mais alors que notre quotidien et nos pratiques se sont considérablement ajustés à l’ère numérique, le livre serait-il devenu anachronique ? Sans doute pas. Néanmoins, l’émergence de nouveaux acteurs contribue à la mutation de l’économie du livre, et pas forcément dans le sens que le souhaiteraient les petits éditeurs.

Les librairies toulousaines s'en sortent plutôt bien. / Photo J.T-B.

Et ils sont nombreux à Toulouse. Mais si l’économie du livre à l’échelle nationale s’avère maussade, les librairies indépendantes toulousaines présentent une santé financière qui ne présage pas, du moins à court terme, leur disparition. 2012 a même été une excellente année pour certaines d’entre elles. Leur chance ? La fermeture de Castela et de Virgin l’année dernière, qui a gonflé leur chiffre d’affaires. Selon Christian Thorel, le directeur d’Ombres Blanches, cette configuration locale a permis un hausse des ventes de 6 % .

Le choix d’une clientèle et d’une offre littéraire ciblée

Toutes les librairies toulousaines n’ont cependant pas bénéficié de ces retombées dans les mêmes proportions. Malgré tout, elles ont d’autres cartes en main. Henry Floury, de la librairie des Frères Floury, assume une politique éditoriale claire. « J’ai du mal à parler de concurrence [dans le monde de l’édition NDLR], car la diversité nourrit la richesse de l’édition française , explique-t-il. Je ne fais pas de Musso ni de Lévy, d’autres le font et mieux que moi, mais si un lecteur me le demande, je le commande ».

À Terra Nova également, on fait encore des bénéfices. Ici, on a fait le choix d’une clientèle et d’une offre littéraire ciblée qui, selon son directeur Fabrice Domingo, « protège la librairie de la crise ». Conférences, débats, projections documentaires, point d’honneur mis à la relation avec les lecteurs, la librairie s’est constituée une clientèle fidélisée. Cette santé financière ne doit cependant pas occulter une menace de taille. Car s’ils relativisent la crise du livre, les libraires s’accordent à l’unisson pour dénoncer la « concurrence terrible » du leader de la vente de livres en ligne, Amazon.

« On a perdu une bataille, peut-être même une guerre »

Le Syndicat de la librairie française (SLF) a tenté un recours en justice auprès du tribunal de Grande Instance de Versailles en novembre 2007, portant sur la distorsion de concurrence liée à la gratuité des frais de port. Si les pratiques commerciales du géant américain sont, selon le syndicat, incompatibles avec la loi sur le prix unique du livre, le verdict ne leur a pas donné gain de cause. « On a perdu une bataille sur le plan juridique, peut-être même une guerre  » constate déconcerté Christian Thorel. En plus de la gratuité des frais de port, Amazon pratique un rabais de 5 %, qui correspond à peu près à la TVA sur le livre qui est de 5.5 %.

Cette configuration du marché caractérisée par un rapport de force de plus en plus inégal entre les différents acteurs risque bien, à terme, de porter un coup fatal à la diversité éditoriale française.