Coupe à la Bernard Thibault et bacchantes volumineuses, le style Jérôme Bouvier ne laisse pas indifférent. Tout comme sa présidence à la tête des Assises du journalisme et de l’information. Fondateur de ce rendez-vous annuel, cet homme de radio est un esprit libre. Ça tombe bien, c’est cette même liberté de ton qu’il a essayé de diffuser durant ces trois jours de débats où la profession questionne ses pratiques.

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« Univers-Cités » : Comment est née l’idée de créer les Assises internationales du journalisme et de l’information ?

Jérôme Bouvier : D’un constat simple :  c’est l’une des seules professions qui n’avait pas de rendez-vous annuel où l’on peut aborder toutes les problématiques qui la travaillent. Je voulais créer un moment de rassemblement permettant à tous les acteurs mais aussi aux spectateurs d’échanger sur la fabrication de l’information et le rôle des organes de presse. Par ailleurs, face au désamour de plus en plus prononcé des journalistes par les citoyens comme le montre le sondage annuel de La Croix, une plate-forme publique de débat semblait nécessaire afin d’y remédier. Après, la difficulté a été de convaincre les différentes composantes du champ journalistique (presse écrite, spécialisée, télévision, radio, web-journalisme) de leur destin commun et qu’une réflexion collective sur les pratiques était primordiale. C’est d’ailleurs dans cette optique de rassemblement que j’ai voulu dès la première année, la participation des futurs journalistes à travers les représentants des différentes écoles.

En six éditions, quelles ont été les évolutions majeures ?

Si le canevas fixé au départ est resté le même avec une programmation identique partagée entre des ateliers longs spécialisés le matin et des débats/conférences l’après-midi, on essaye d’attirer de plus en plus le grand public en abordant des thématiques dans l’air du temps. Autre évolution majeure, la participation de personnalités de la sphère politique et des acteurs décisionnels à la discussion menée sur les liens entre journalisme et monde social.

Quelle place occupent les Assises auprès de la profession ?

Même si ce rendez-vous est encore jeune, il commence de plus en plus à s’institutionnaliser et à devenir un rassemblement majeur du temps journalistique. Néanmoins, comme il n’a aucun caractère obligatoire, et qu’il n’a pas vocation à être une force de proposition sinon de débat, son succès repose uniquement sur le volontariat des gens de la profession. En tout cas, une chose est sûre : les Assises sont le lieu incontournable pour qui désire réfléchir à la pratique du journalisme vu dans sa globalité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cet événement s’adresse aux différents supports médiatiques sans exception : le contenu prime sur le contenant d’où la nécessité de mener une réflexion collective entre tous les acteurs du champ médiatique, peu importent leurs chapelles d’appartenance.

Pourquoi avoir choisi l’indépendance comme thème de cette 6ème édition des Assises ?

Eu égard à la situation de la presse, notamment écrite, victime d’une véritable hécatombe. Entre les plans de licenciement qui s’enchaînent et les titres qui mettent la clé sous la porte, 2012 est une année noire pour le journalisme. Alors certes, il ne faut pas évacuer la question économique, mais la principale problématique à l’heure actuelle est : comment attirer de nouveaux lectorats ? Pour ce faire, l’une des réponses est la diffusion de contenu de qualité lesquels nécessitent une indépendance des journalistes. Sans cette liberté de ton, d’enquête, d’information, terreau consubstantiel à la profession, on peut légitimement comprendre la désaffection de plus en plus grande d’une partie de la population à l’endroit des titres de presse. Aussi, outre l’indépendance économique, politique, il faut prendre le tournant de l’indépendance d’esprit : il me semble assez anormal qu’à l’heure d’internet et de la multiplication des sources d’information, on assiste à un certain panurgisme de la profession. Les mêmes sujets sont traités de la même façon. L’indépendance signifie aussi sortir de cette pensée unique qui corsète souvent la profession.

Quel bilan tirez-vous de cette édition ?

A priori le bilan est plutôt positif pour cette année, mais je me garderai de toute conclusion tranchée puisque nous n’avons pas le recul nécessaire pour juger. Néanmoins, d’après les premiers retours que j’ai recueillis, les participants sont satisfaits : en démontre l’influence importante durant les trois jours (1 000 visiteurs, ndlr) et l’intérêt porté pour les nombreux débats. Autre objet de satisfaction, la venue d’acteurs n’appartenant pas forcement à la sphère journalistique ainsi que celle des étudiants issus des écoles conventionnées. Petit bémol par contre, la réticence parfois de journalistes en activité, hésitant à venir assister aux Assises sur leur temps de congés. Mais les mentalités changent et on constate quand même que de plus en plus de professionnels participent à nos journées de réflexion. Une évolution de bon augure pour les prochaines éditions qui devraient vraisemblablement ne pas se tenir à Poitiers.