Le Théâtre Garonne est un haut lieu de la scène culturelle française. Sa réputation nationale, il la doit à sa programmation audacieuse, mais surtout à sa capacité créative. Ce théâtre toulousain ne cesse de surprendre par son anti-conformisme. Retour sur vingt ans d’aventure.
Le Théatre Garonne est né en 1988, en pleine période de décentralisation ; l’Etat veut créer d’autres lieux de culture en dehors de Paris. C’est alors que des artistes et des représentants politiques toulousains décident d’investir une ancienne station de pompage datant du XIXe siècle. L’idée est de créer un espace scénique nouveau, radicalement différent d’un théâtre classique à l’italienne, pour y jouer des pièces contemporaines. Ici, il n’y a pas de rideau de scène, la salle de spectacle est un grand cube de brique où l’espace scénique est plus grand que l’espace alloué aux gradins. Cet aménagement permet au spectateur d’avoir un autre regard sur l’œuvre d’un artiste.
Le théâtre prend alors une ampleur et une renommée assez importante, au-delà des frontières de la région toulousaine. Le lieu devient trop petit par rapport au projet artistique initial, c’est pourquoi la marie de Toulouse lui attribue quelques années plus tard les anciens ateliers liés au service des eaux, situés de l’autre côté de la rue. Ceci a nécessité deux ans de travaux pendant lesquels ces bâtiments, ainsi que les sous-sols comprenant un réseau de galerie, ont été remis à jour et restaurés. En 2006, le Théâtre Garonne rouvre ses portes, pour le plus grand plaisir des spectateurs.
Le théâtre, les artistes et leurs œuvres
L’ouverture du théâtre en 1988 correspond avec l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes qui souhaite jouer d’une manière différente sur scène. Pour ces jeunes talents, il est difficile de trouver des lieux de représentation. « En France, le théâtre est conventionnel. On pense qu’il faut connaître Molière par cœur pour pouvoir faire du théâtre, ce qui est absurde car c’est un art vivant » confie Bénédicte Namont, responsable de la programmation artistique. C’est pourquoi, dès sa première année d’existence, le Théâtre Garonne a su marquer son caractère avant-gardiste, parfois même a ses dépens : « En 1988, nous avons passé le Théâtre du Radeau, mais il n’y eu que 30 spectateurs. Vingt ans plus tard, ces mêmes artistes font le festival d’Avignon » nous dit la responsable avec un sourire ravi.
Le Théâtre Garonne frappe sur un deuxième plan, celui de l’accompagnement à la production de spectacle. Dans les anciens ateliers du services des eaux, il y a en permanence des gens qui travaillent, qui répètent et qui créent. Une fois la pièce terminée, elle est jouée partout en Europe.
Par ailleurs, la configuration structurelle du lieu a permis de décloisonner les pratiques du théâtre en accueillant d’autres formes scéniques, comme la danse ou la musique. La programmation a toujours suivi la même ligne directrice : faire découvrir de nouvelles générations d’artistes, qu’ils soient auteurs dramatiques, musiciens, chorégraphes ou metteurs en scène. Le Théâtre Garonne présente également des œuvres de plasticiens renommés tels que Daniel Buren, et même des grands chefs cuisiniers comme Yannick Delpech, chef étoilé de l’Amphitryon. Ici, l’art n’a plus de frontières.
Un théâtre de proximité
Sa renommée et sa programmation de pièces contemporaines peuvent laisser croire que le Théâtre Garonne est un lieu élitiste et huppé. Il n’en est rien. « Effectivement, quand on parle de pièces contemporaines, tout le monde part en courant. C’est pourquoi nous nous efforçons de donner les conditions et les moyens pour que le public soit tout à fait apte à percevoir les compositions les plus audacieuses et les plus novatrices », explique Bénédicte Namont. Ici, les spectateurs sont de tous ages et de tous milieux sociaux. En moyenne, un spectateur va voir 6 spectacles dans l’année, et le prix des places reste abordable pour les étudiants, puisqu’il faut compter environ 11 euros pour un soir.
Si les troupes d’artistes viennent de partout en Europe, le Théâtre Garonne, lui, reste Toulousain. Le public vient au théâtre à pied. Le rapport entre les gens est très convivial, voire familial. La taille de la salle de spectacle explique en partie cette ambiance puisqu’elle ne contient que 280 places. De plus, les spectateurs peuvent rencontrer les artistes à la fin de la représentation. Certaines personnes restent manger au restaurant du théâtre, d’autres prennent simplement un café au comptoir. Enfin, les troupes d’artistes restent un certain temps dans la ville rose, ce qui surprend parfois les spectateurs lorsqu’ils croisent un dimanche au marché, un artiste qu’il a vu sur scène quelques jours auparavant.