Des caravanes sur les parkings de centres commerciaux ou sur les stades qui suscitent la colère des élus locaux et des habitants : c’est un scénario bien connu dans l’agglomération toulousaine. Toulouse Métropole a du retard à rattraper et compte sur le nouveau schéma départemental, censé être mieux adapté aux problématiques actuelles.

Comme toutes les agglomérations françaises, Toulouse Métropole à l’obligation d’organiser l’accueil des gens du voyage sur son territoire en vertu de la loi du 5 juillet 2000. La dénomination de « gens du voyage » est d’ailleurs définie dans l’article 1 comme « des personnes dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles ». Le texte impose que soit organisé dans chaque département un schéma d’accueil avec l’obligation pour chaque commune d’au moins 5000 habitants de construire une aire réglementée. Comment se fait-il alors que les occupations illicites de terrains par les gens du voyage se poursuivent à Toulouse et dans sa périphérie ?

Pour le savoir, il faut s’intéresser au premier schéma départemental d’accueil des gens du voyage de la Haute-Garonne, mis en place en 2003. Pour l’horizon 2010, il prévoyait 962 places de caravanes réparties en une trentaine de communes et cinq « aires de grands passages ». La loi de juillet 2000 distinguant les aires d’accueil permanentes et les aires de grand passage, ces dernières sont destinées à accueillir les déplacements des gens du voyage en grand groupe (de 50 à 200 caravanes), à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels. Or, 13 ans plus tard, on ne dénombre que 615 places dans 29 aires d’accueil, et seulement deux aires de grand passage tournantes (tirage au sort chaque année parmi les communes du département).

Les raisons du retard

Ce retard de près de 350 places s’est donc accumulé au fil des années puisqu’aucune n’a été construite depuis 2013. Dans son Document d’orientations et d’actions, rédigé en décembre 2019 pour le nouveau schéma départemental, le Conseil Général de Haute-Garonne se montre lucide sur la situation :

« L’absence de créations d’aire permanente d’accueil et seulement deux réhabilitations résument la sorte d’impasse dans laquelle s’est retrouvé le précédent schéma. »

Extrait du Schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage de Haute-Garonne 2020-2025.

Il attribue ce retard et cette situation « d’impasse » à une combinaison de plusieurs facteurs. Tout d’abord il y a « l’essoufflement de la gouvernance du schéma mais aussi de ses relais opérationnels », à savoir une dégradation des liens entre les différents acteurs (institutions, organismes, syndicats). À cela s’ajoute la raréfaction des terrains disponibles et les hausses de prix tout comme « la difficulté à équilibrer les opérations » (c’est-à-dire à organiser le financement public des aires, l’éligibilité aux subventions de l’Etat est conditionnée à la réalisation des aires dans un délai de 2 ans après promulgation du schéma).

File:Saint-ouen l aumone - Aire d accueil gens du voyage.jpg

Les constructions d’aires d’accueil comme celle de Saint-Ouen-l’Aumône (95) se font attendre en Haute-Garonne.

Enfin, il existe depuis plusieurs années une remise en cause, un questionnement du système actuel d’accueil des gens du voyage. On observe que les aires, censées être visitées temporairement, sont la plupart du temps occupées continuellement par des familles qui s’y sont résidentialisées, « faute de solutions davantage adaptées à leur volonté de s’ancrer ». On parle même d’ « aspirations croissantes des gens du voyage de disposer de lieux d’ancrage ».

« En Haute-Garonne, comme partout sur le territoire national, on note une évolution sociologique vers la sédentarisation ou la semi sédentarisation qui se traduit par le souhait, pour la plupart des familles, d’avoir un ancrage territorial. »

Ces évolutions dans le mode de vie de certaines familles ne sont pas sans conséquences puisque les structures souffrent également de l’usure liée à leur surutilisation. Il existe donc désormais un décalage entre la conception de base des aires qui sont destinées à du « passage » et leur utilisation réelle comme lieu d’« ancrage ». Le Conseil Général entend donc bien relancer la construction d’aires d’accueil des gens du voyage, mais également diversifier leur fonction pour s’adapter aux nouveaux enjeux que présentent un tel sujet.

Accompagner la sédentarisation

C’est dans cette optique qu’a été approuvé le nouveau schéma départemental d’accueil des gens du voyage pour la période 2020-2025, devenu Schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage (SDAHGV). Ce changement de nom et l’ajout du terme « habitat » traduisent la volonté de diversifier les réponses et d’accompagner la sédentarisation de certaines familles.

« Le SDAHGV vise le développement de réponses diversifiées qui accordent au moins 50% des nouvelles places aux solutions publiques dédiées à l’« ancrage ». »

Schéma Départemental d’Accueil et d’Habitat des Gens du Voyage de Haute-Garonne 2020-2025

Selon le SDAHGV, 560 nouvelles places seront construites dans les six années à venir, pour arriver à un total de 1175 places dans le département. Parmi ces 560 nouvelles places, on compte les 350 en retard, déjà prescrites dans les schémas précédents, mais aussi 120 places dans les six communes ayant franchi les 5 000 habitants depuis 2013, et 90 places réhabilitées (concernant des zones inondables ou des structures dégradées/vandalisées). La vraie nouveauté par rapport aux précédents schémas réside dans le fait qu’au moins 50% des nouvelles places seront tournées vers la sédentarisation des familles. Concrètement, cela va se traduire par la mise en place de terrains familiaux locatifs et de programmes adaptés de logements sociaux. L’intérêt est double : loger dans de bonnes conditions les familles sédentarisées et indirectement désengorger les aires de passage pour que ces dernières retrouvent leur fonction première.

Le nouveau cap que s’est fixé le département pour tenter de résoudre la question épineuse des occupations illégales de terrains est donc lancé. Avec, espérons le, une meilleure efficacité que par le passé. Car en attendant 2025, le manque de places se fait ressentir et avec lui ressurgit le climat de tension entre gens du voyage et populations locales.