Créer une association, faire ses propres choix d’orientation scolaire et professionnelle et pourquoi pas voter aux élections locales… C’est le contenu du projet de loi bientôt déposé par la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, qui propose un « statut de pré-majorité » pour les adolescents de 16 à 18 ans. Toutefois, si l’objectif est de créer une période de transition vers la majorité civile, certains craignent que la loi ne soit un prétexte à un abaissement de la majorité pénale.

Ceux qui s’inquiètent du fait que la pré-majorité puisse masquer l’alignement du statut pénal des mineurs sur celui des majeurs ne sont pas forcément les détracteurs du projet de loi. Il s’agit en majorité d’associations ou de juristes qui s’étaient opposés à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy au retour sur l’ordonnance de 1945 relative à la protection des mineurs.

Les dangers d’une « période de transition pénale »

Loin de tirer des conclusions hâtives sur un débat qui vient de s’engager, Christophe Daadouch, formateur social, s’interroge sur l’impact d’une telle mesure sur le système de protection de l’enfance et sur la remise en cause de l’autorité des parents d’un point de vue pénal. « Il y a fort à craindre que la reconnaissance d’une réelle capacité du mineur dès l’âge de 16 ans, et par voie de conséquence le déni de sa vulnérabilité, émiette les fondamentaux de l’aide sociale à l’enfance  ». En effet, comment protéger un mineur que la loi considérera comme pré-majeur ? La présomption d’irresponsabilité se trouve alors en contradiction avec ce statut dès lors qu’il inclut une pré-majorité pénale. Un adolescent de 16 ans pourra alors être jugé en dehors du cadre des tribunaux pour enfants.
En outre l’autonomie des mineurs va de pair avec l’affaiblissement de l’autorité parentale. Ce qui est paradoxal puisque de nombreuses lois ont, au cours des dernières années, accru la responsabilité pénale des parents (loi  de prévention de la délinquance ou encore gel des allocations familiales). « Est-il logique de considérer à la fois le mineur pleinement responsable de ses actes, d’une entière capacité, et en même temps sanctionner ses parents pour les mêmes faits ? » se demande Christophe Daadouch.

Des craintes justifiées ?

Du côté du cabinet de la ministre, il est hors de question de faire de ces mineurs des pré-majeurs devant les tribunaux. Le but du projet de loi est d’éviter une fracture entre l’incapacité juridique du mineur et les droits et devoirs dont il est dépositaire à 18 ans. « Il ne s’agit pas de basculer tous les droits de 18 à 16 ans, mais de “grapiller” ce qu’il serait possible de faire dès 16 ans ». On peut donc estimer peu probable que, parmi ces droits, une pré-majorité pénale soit comprise. « Il n’y aura pas d’impact dans le domaine judiciaire » affirment les collaborateurs de Dominique Bertinotti.
Or la loi accorde déjà, dans certains cas,les mêmes droits et les même responsabilités aux mineurs de 16 ans qu’à un adulte. Ce qu’explique Virginie Duval, secrétaire générale de l’Union syndicale de magistrats : « Si on abaissait la majorité à 16 ans, au niveau pénal, cela ne changerait de toute façon pas grand-chose. Il existe déjà un statut particulier pour les plus de 16 ans: on peut par exemple plus facilement prononcer un contrôle judiciaire, une détention provisoire, ou un travail d’intérêt général. Et au niveau civil? Je ne crois pas qu’un jeune de 16 ans soit capable de payer des dommages et intérêts…»