Jacqueline Dieuzaide ouvre les portes de l’ancien atelier de son mari. Photographe de renom, prix Nadar et Niepce, cet artiste n’a eu de cesse de renouveler son attachement à la Ville rose.
« Je te vengerai ». C’est la phrase que Jean Dieuzaide, grand photographe toulousain décédé en 2003, avait lancé à Robert Doisneau, après que celui-ci eut fait les frais d’une exposition temporaire déplorable durant laquelle ses photos avaient été punaisées à la va-vite. Lors de l’ouverture, en 1974 du Château d’eau à Toulouse – premier lieu d’exposition consacré à la photographie en France – son créateur, Dieuzaide, s’est fait fort de respecter son engagement. Doisneau fut le premier à voir ses tirages affichés sur les murs de cette bâtisse originale. Jacqueline Dieuzaide, femme de l’artiste raconte cette anecdote comme si c’était hier.
Cinquante ans d’histoire toulousaine en photographie
Attaché à sa ville natale, « le photographe n’est jamais monté à Paris pour s’y installer », nous confie-t-elle fièrement. Du Rolleiflex au petit Leica, Dieuzaide a connu l’évolution de la photographie en même temps que le développement de Toulouse ; aviation, industrie, architecture, sa grosse clientèle était en Midi-Pyrénées. De même, les concerts de l’orchestre du Capitole dirigé par Michel Plasson ou les pièces du célèbre théâtre – « Le Grenier de Toulouse » – ont été immortalisés sous l’œil de l’artiste. C’est ainsi que Madame Dieuzaide se targue de pouvoir retracer l’histoire de la ville à travers les nombreuses photos qui trônent dans ses archives. « Il était toujours fier, lorsqu’un client lui demandait un travail, de pouvoir légender au bas du cliché : près des Jacobins ou à 300 mètres du musée des Augustins… »
Quel avenir pour les Archives Dieuzaide ?
Classé, numéroté, archivé, cela fait plus de soixante ans – depuis 1944 – que tout, du négatif – estimés de 40 000 à 60 000 – au livre de photos – plus de 3000 – a été soigneusement gardé dans l’atelier du quartier St Agne. Agée de 87 ans, Jacqueline Dieuzaide est anxieuse quand au devenir de cette collection unique. Un « LieuZaide » doit être crée en l’honneur de « Yan », surnom d’époque du photographe, à quelques encablures du Musée des Abattoirs. Les changements de municipalité ont retardé cette initiative.
Cela n’empêche pas Jacqueline Dieuzaide de chérir ces archives comme un précieux trésor, en témoigne la volubilité avec laquelle elle s’empresse de sortir un album bleu décrépi, avec, à l’intérieur, les tirages de Dali et ses extravagantes moustaches. Des années de travail et des dizaines de livres, c’est aussi ce que représente la collection d’ouvrages du Château d’eau, réunissant à elle seule plus de 12 000 ouvrages de photographes divers. Seul un lieu en France fait mieux : la Maison européenne de la photographie avec 24 000 ouvrages.
Polémique sur le lieu de conservation des archives Dieuzaide
Si le «LieuZaide» n’a pas encore vu le jour, c’est parce qu’il existe une mésentente entre la famille du photographe et la municipalité. Où seront conservées les archives ? Michel et Jacqueline Dieuzaide veulent qu’elles soient entreposées dans le futur lieu dédié au photographe défunt alors que la mairie propose les Archives municipales. Les arguments vont bon train : « Ne pas multiplier les charges de développement » selon Vicentella de Comarmond, adjointe à la culture de la mairie de Toulouse, car les travaux pour restaurer le futur «LieuZaide» sont déjà assez conséquents. « Garder la cohérence du fonds Dieuzaide » en entreposant tout au même endroit, plaide la veuve Dieuzaide. Un compromis est en train de voir le jour, grâce aux récentes négociations entre la mairie et Michel Dieuzaide. Les Abattoirs, musée d’art contemporain de la ville, seraient proposés comme lieu alternatif pour entreposer les négatifs. Affaire à suivre…